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Economie verte / Smart city - Accueil — Le 8 avril 2021

L’économie verte prend racine

Épuisement des ressources, emballement du climat, inégalités croissantes : face à des enjeux planétaires de première magnitude, l’économie doit se réinventer. Les entreprises de toutes tailles empruntent de nouveaux chemins, plus respectueux de l’homme et de l’environnement. Des secteurs clés tels que l’énergie, la gestion des déchets ou encore la construction innovent pour adapter notre mode de vie aux équilibres naturels. Contexte et perspectives.

© AdobeStock

Démarche systémique, la green economy (économie verte) s’appuie sur cinq principes intangibles : le bien-être humain, la justice, le respect du vivant et des équilibres de la planète, une consommation et une production responsables, et enfin une gouvernance adaptée. Ces principes dessinent une vision sociétale construite autour d’un accès facilité aux infrastructures, à l’éducation et aux services de santé, un partage plus équitable de la croissance, une biodiversité préservée, l’encouragement aux circuits courts et une démocratie plus participative. Une vision rendue nécessaire par les crises successives depuis le premier choc pétrolier il y a près de 50 ans, dont la crise climatique n’est pas la moindre.

La green economy remet en cause la primauté d’indicateurs strictement productifs et monétaires tel que le PIB, qui masquent notamment la notion de bien-être et les atteintes à l’environnement. Pour l’Agence européenne de l’environnement, « les sociétés doivent repenser ce que l’on entend par croissance et progrès, et leur signification pour construire un monde durable, pour ne plus les envisager d’un point de vue seulement quantitatif, mais aussi qualitatif ». Un vœu pieux ? Pas pour Jérôme Courcier, ancien responsable RSE au sein du Crédit Agricole SA, membre de la commission RSE au Medef et du conseil scientifique de l’Observatoire de la finance durable. « Tous les chefs d’entreprise que nous avons interrogés sont prêts. La RSE (Responsabilité sociale des entreprises), tous savent ce que c’est. Ils ont des enfants, voient l’évolution du monde. De nombreux grands groupes français et PME de la région AuRA sont désormais engagés dans des relations d’affaires qui intègrent l’environnement et le social », pointe-t-il.

Le cercle vertueux des achats responsables

En France, la RSE trouve son origine au tout début des années 2000, avec la loi NRE (Nouvelles régulations économiques). Elle impose aux entreprises cotées de publier un reporting extra-financier. Une première mondiale, avant d’autres lois successives, dont celles issues du Grenelle de l’Environnement (2007 et 2010) et la loi sur la Transition énergétique de 2015. Si la RSE reste une démarche volontaire pour les entreprises au chiffre d’affaires inférieur à 100 M€, toutes ont intérêt à s’y engager, quel que soit leur secteur d’activité ou leur taille. La France s’est dotée d’un cadre réglementaire ambitieux pour prendre en compte la RSE.

La loi Pacte de 2019 la renforce encore à travers de nouvelles dispositions, comme l’intégration d’enjeux sociaux et environnementaux dans l’objet social des entreprises et la possibilité pour celles-ci de se doter d’une raison d’être. Elle a créé également le statut d’entreprise à mission. À ce titre, Ets. André Cros, spécialisée dans les solutions techniques pour l’industrie et le BTP (CA 2019 : 12 M€, 65 personnes, Échirolles), pourrait être la première entreprise à mission en Isère : elle détaillera prochainement dans ses statuts sa raison d’être à travers différentes missions sociales et environnementales. De telles initiatives RSE sont évaluées et encouragées. EcoVadis, une start-up parisienne, a créé une plateforme de notation RSE il y a déjà une dizaine d’années. Son objectif : accompagner les entreprises à mieux appréhender l’impact de leur croissance sur l’environnement. Elle a déjà noté près de 80 000 entreprises de toutes tailles à travers le monde. Pour son cofondateur Pierre-François Thaler, « il y a une véritable accélération sur cette thématique, liée à ce qui se passe sur la planète. L’un des plus gros enjeux à intégrer, c’est que 70 à 80 % des émissions de CO2 d’une entreprise proviennent de l’amont et de l’aval dans leur chaîne de valeur. Le levier essentiel pour la RSE, c’est donc celui des achats ». Le baromètre annuel ObsAR analyse justement les pratiques d’achat responsable des acteurs publics et privés. L’étude 2021 montre que « 35 % des PME françaises ayant répondu à l’enquête disent avoir mis en place une politique d’achat responsable depuis moins de deux ans ».

2050 dans le viseur

L’autre levier pour une économie responsable, c’est la finance. « Oui, appuie Jérôme Courcier, et quoi qu’on en dise, la finance est de plus en plus verte. De la banque centrale européenne au directeur financier de L’Oréal, tous l’affirment : il faut aller dans cette direction. » La finance, explique-t-il, serait l’élément moteur de cette transition écologique. « Les investisseurs vont se tourner massivement vers les entreprises engagées dans le développement durable et celles qui sont capables de surmonter la crise climatique. » Celle-ci, étaye Jérôme Courcier, va rapidement revenir au premier plan des préoccupations, dès la fin de l’épisode Covid : « C’est une tendance de fond qui nous occupera jusqu’en 2050 au moins. Et les entreprises ont dix ans pour s’y atteler, pas plus. Il en va de leur survie : les banques sont déjà de plus en plus attentives à l’engagement des entreprises dans la diminution de leur empreinte écologique avant de leur accorder des crédits. »

2050 ? C’est l’objectif de neutralité carbone de l’Union européenne, fixé dans son Green Deal. Présenté en décembre 2019 par la Commission européenne, ce « pacte vert » s’adresse aussi bien aux entreprises qu’aux citoyens. Y figurent notamment la réduction massive des gaz à effet de serre et la réorientation des efforts d’investissement dans l’innovation pour la protection de l’environnement. Dès juin prochain, la Commission européenne présentera une nouvelle loi instaurant un mécanisme d’ajustement des émissions de CO2 aux frontières. Il supprime également le système des crédits carbone gratuits alloués à certains secteurs pour pallier les risques de fuite du CO2. Ce mécanisme couvrira les secteurs à plus forte intensité énergétique, représentant plus de 90 % des émissions de CO2 de l’Union européenne. Accompagné de nouvelles mesures de soutien et d’accords commerciaux à impact vert, il devrait permettre de dégager une dizaine de milliards d’euros, affectés principalement au plan de relance et à la transition écologique.

Les grands groupes aussi

Et déjà les grands groupes amorcent un virage majeur. « Après plus de 7 milliards de pertes en 2020, Total change son plan de route et vise pour les dix prochaines années une croissance de sa production portée pour une moitié par les énergies renouvelables et pour l’autre moitié par le gaz liquéfié », observe Jérôme Courcier. Le groupe, rebaptisé TotalEnergies, prévoit un repli important des parts des ventes de produits pétroliers, passant de 55 % de son activité aujourd’hui à 30 % d’ici 2030. Suez fait encore mieux. Avec un an d’avance sur l’obligation européenne, le groupe a annoncé en février dernier que 74 % de son chiffre d’affaires est considéré comme « durable » au regard de la taxonomie mise en place par l’Union européenne en 2019. Ce référentiel a été instauré pour qualifier la contribution des entreprises à la préservation de l’environnement et du climat, et les aider à passer « du marron au vert ». « En France, Suez a tiré le premier. Le groupe prévoit que 100 % de ses solutions seront durables en 2030. Ce qui implique que tous leurs fournisseurs, quelle que soit leur taille, seront tout aussi “verts” », développe Jérôme Courcier.

La relance par l’écologie

Feuille de route pour la refondation économique du pays en ces temps de pandémie, le plan France Relance inclut lui-même une série de mesures qui encouragent les entreprises à s’engager dans un avenir plus responsable. Doté de 100 Md€ sur deux ans, il en consacre 30 à la réduction des gaz à effet de serre. Un montant conséquent, même s’il est moins élevé que le seuil fixé à 37 Md€ par l’Union européenne. La moitié de ces dépenses soutiennent la décarbonation des secteurs du transport (9,4 Md€) et du bâtiment (4,6 Md€). Même si le Haut Conseil pour le Climat déplore « le manque de moyens dédiés aux mesures adaptatives et à la formation dans la transition écologique », ce plan de relance permettrait d’éviter entre 55 et 60 millions de tonnes équivalent CO2 par an sur la durée des investissements (jusqu’à 45 ans).

Des entreprises de la région grenobloise ont déjà pu bénéficier de fonds de soutien en lien avec le plan France Relance pour verdir leur économie. C’est notamment le cas de Radiall à Voreppe, spécialisée dans la conception et la production de connecteurs et composants électroniques. Son projet consiste à remplacer des substances nécessaires à la fabrication de certains de ces éléments par des produits moins nocifs pour l’environnement, tout en préservant les performances de ses solutions. Radiall n’en est pas à son coup d’essai en matière d’engagement environnemental et sociétal. Sa politique RSE s’exprime à travers un faisceau très large d’initiatives, articulées autour des « trois priorités stratégiques de responsabilité, d’ouverture et de plénitude ». Particularité : ces initiatives sont décidées et menées de manière transversale, avec l’ensemble des collaborateurs, appelés à proposer leurs propres thématiques. Dès lors, la green economy s’impose comme un puissant facteur de cohésion, de motivation, voire d’épanouissement des équipes. STMicroelectronics l’a aussi bien compris : le géant de l’électronique a nommé en début d’année une nouvelle « directrice des ressources humaines et de la RSE », en visant l’objectif d’une neutralité carbone dès 2027.

Un écosystème armé pour les défis d’avenir

À l’échelle locale, de nombreuses jeunes entreprises ont déjà intégré tout ou partie des principes de la green economy, dès leur création. Pas seulement pour une question d’image. Beaucoup d’entre elles développent une activité directement liée à la réduction de notre empreinte carbone et au mieux-vivre, comme en témoignent les entreprises incubées au sein de Linksium ou hébergées au Tarmac d’Inovallée. Remis chaque année par la CCI de Grenoble aux projets innovants, les Innotrophées mettent en lumière le foisonnement d’un écosystème fortement engagé dans la transition écologique et sociale. Que ce soit dans la construction (Lignoroc et ses panneaux de béton en bois), dans l’énergie (les climatiseurs résidentiels à faible empreinte carbone de Caeli) ou l’économie sociale et solidaire (le service de consigne pour les restaurants proposant de la vente à emporter de Dabba), les lauréats de l’édition 2020 consacrent une identité entrepreneuriale aux valeurs fortes. Pour ces chefs d’entreprise, le nouveau modèle qui s’enclenche apportera assurément de nouvelles opportunités, créatrices de richesses et de perspectives enthousiasmantes à partager. Le titre de Capitale verte européenne 2022 attribué par l’UE à Grenoble devrait encore amplifier le mouvement.

R. Gonzalez

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Infos clés

563 000, le nombre d’emplois mobilisé par les éco-activités, soit 2,1 % de l’emploi intérieur total français
 + 4,4 % en 2018, après + 5,8 % en 2017 : hausse de l’emploi au sein des éco-activités
104 Md€ en 2018 : production issue des activités tournées vers l’environnement, en hausse de 5,7 % entre 2017 et 2018 (2,5 % de la production française totale)
(Source : Commissariat général au développement durable – Ministère de la Transition écologique)

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