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Economie verte / Smart city — Le 28 juillet 2023

La mobilité professionnelle à la croisée des chemins

À l’heure où la transition climatique impose de remettre en question les systèmes de transport existants, quelles formes pourrait prendre la mobilité de demain ? Comment s’organisent déjà les entreprises et les salariés en région grenobloise, pour envisager leurs modes de déplacement et le transport des marchandises ? Vers quels systèmes de motorisation s’orientent-ils ? Quelles initiatives collectives, à l’échelle des territoires et des acteurs économiques, seraient de nature à faciliter la transition ?

© Adobestock

La réalité du réchauffement climatique n’est plus sujette à débat. La transition énergétique dans les transports représente une urgente nécessité, sans échappatoire possible, pour deux raisons essentielles. D’une part, la question écologique. D’autre part, le facteur géopolitique, soulevé avec encore plus d’acuité depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. En France, 60 % de la consommation d’énergie est issue des énergies fossiles. Ce taux de dépendance est encore plus élevé dans les transports (90 %). Les déplacements joueront un rôle clé dans la transition énergétique du continent. Or, dans ce domaine, les défis sont immenses. Selon le Plan vert pour l’Europe, la neutralité carbone devrait être atteinte en 2050, et le Parlement européen a voté l’interdiction de vente de véhicules neufs à moteurs thermiques dès 2035.

La recherche grenobloise mobilisée, aux côtés des industriels

Cependant, une clause a été ajoutée pour réviser ces objectifs en tenant compte des développements technologiques. Concernant les poids lourds, Mobilians, l’organisation des professionnels de l’automobile en France, attire l’attention sur les délais demandés aux constructeurs, jugés non réalistes, en dépit d’investissements soutenus. Et si la motorisation électrique des véhicules légers et utilitaires fait (presque) consensus, les industriels français et européens, tentent dans ce domaine de contenir les appétits chinois et américains. De leur côté, les acteurs de la recherche accélèrent leurs efforts pour affronter ce tournant majeur. « Il est du rôle d’organismes tels que le nôtre d’accompagner nos partenaires industriels, avance Simon Perraud, directeur adjoint du CEA-Liten, le département du CEA dédié à la transition énergétique. Nos projets de recherche et développement portent sur toute la chaîne de valeur : les matières premières, la fabrication des batteries, la construction automobile, ainsi que la filière du recyclage. » Une partie des solutions technologiques de demain réside dans les laboratoires grenoblois.

Quelle énergie choisir ?

La décarbonation de la filière transports peut être activée par trois grands leviers. D’abord, la sobriété, qui suppose de changer radicalement les comportements, en utilisant des modes de déplacements doux et alternatifs. Vient ensuite l’efficacité, qui passe par la mise en œuvre de techniques destinées à réduire la consommation et la perte d’énergie (même fossile), par exemple en améliorant l’aérodynamisme des véhicules, en abaissant leur poids, etc. Et enfin, le passage massif aux énergies propres. La première d’entre elles est l’électricité produite par les technologies décarbonées que sont le photovoltaïque, l’éolien, l’hydroélectricité, fortement représentée en région grenobloise, et le nucléaire. « C’est la solution prioritaire : un moteur électrique est trois fois plus efficace qu’un moteur thermique, et les progrès se poursuivent. Donc, quand on peut faire avec un moteur électrique, il faut le faire », insiste Simon Perraud. Toutefois, les batteries délivrent beaucoup moins d’énergie qu’un moteur thermique pour un même volume. La motorisation électrique concerne donc surtout les véhicules légers ou utilitaires légers, sur des transports de courte ou moyenne distance. Des combustibles comme l’hydrogène sont plus adaptés aux transports lourds (routiers, maritimes ou aériens). Ils sont utilisés par des moteurs thermiques, qui ont pour avantage une plus grande densité énergétique, mais qui présentent un rendement moindre. Ou des moteurs électriques à réservoir d’hydrogène, d’un rendement supérieur, mais d’une efficacité inférieure. D’un coût pour l’instant plus élevé que celui de l’essence, les biocarburants et les carburants de synthèse, eux-mêmes issus d’hydrogène ou de biomasse, représentent aussi une option. Sur le papier, les solutions sont en place. Et pourtant…

Du côté des poids lourds et véhicules industriels

La filière des véhicules lourds et du transport routier est engagée sur la voie de la décarbonation depuis maintenant de nombreuses années. Des dispositifs de réduction des oxydes d’azote et des particules ont été mis en place, et des motorisations alternatives comme le BioGNV, le Biodiesel ou la traction électrique, ont été développées. Cependant, les objectifs fixés par l’Union européenne sont ambitieux. Mobilians rappelle qu’en France, 92 % des véhicules industriels roulent au diesel, et seul 1,5 % du parc est constitué de véhicules électriques. Par ailleurs, la disparition des moteurs thermiques dès 2040 n’est pas réaliste, compte tenu de la très large diversité des usages et des conditions d’utilisation des véhicules industriels, mais aussi du reste à charge, notamment pour les PME, sur l’acquisition de poids lourds électriques. Néanmoins, la profession propose des solutions, comme une prime à la conversion ou des aides à la formation à l’écoconduite, une évolution de la réglementation pour favoriser la massification des transports et la performance aérodynamique des véhicules, ou encore la destruction de véhicules de plus de 13 ans.

Du côté des véhicules légers et utilitaires

Sur le terrain de la motorisation électrique, les constructeurs européens se préparent à la compétition mondiale et à l’arrivée de nouveaux entrants. Actuellement, plus d’une ligne de production sur deux est basée en Chine. Depuis de longues années, certaines marques imaginent la mobilité citadine, avec par exemple de petits utilitaires électriques destinés à concilier la qualité de vie en ville et la livraison urbaine. Mais des freins importants subsistent. D’une part, le poids des batteries électriques réduit la charge utile d’un véhicule. D’autre part, si l’autonomie des moteurs électriques est en progrès, la charge simultanée d’une flotte, même modeste, entraîne un investissement dans une ou plusieurs stations de recharge. Enfin, le coût de véhicule est toujours significatif. Résultat : de nombreux gestionnaires de flottes retardent leur transition et allongent la durée de leurs contrats de véhicules thermiques. Par ailleurs, si des utilitaires à hydrogène présentent une autonomie de 500 à 600 km, cette motorisation montre des inconvénients, parmi lesquels les difficultés rencontrées pour se ravitailler et un prix très élevé – il n’existe d’ailleurs que deux modèles disponibles sur le marché français. Actuellement, des marques nationales travaillent sur des modèles d’utilitaires hybrides qui associeraient une pile à hydrogène et une batterie lithium-ion.

Le rôle des nouveaux entrants

Entre changements d’usages et coûts de la transition, le monde professionnel reste en attente de solutions technologiques qui viendraient bousculer le marché et rendre possible une mobilité plus écologique. Les plus clairvoyants doutent de la capacité même à mettre en place les solutions dans les délais. Les plus volontaires deviennent eux-mêmes acteurs de cette transition. Dans la région, une société comme Verkor dans le monde de la batterie, ou Symbio dans la filière de la mobilité hydrogène, illustrent que les pistes s’envisagent désormais à l’échelle industrielle. Avec une place majoritairement prise par les nouveaux entrants ?

P. Napoletano

 

ZFE : un déficit d’acceptabilité

Une quarantaine d’agglomérations en France sont concernées par les ZFE (zones à faible émissions) d’ici fin 2024. Le Sénat a mené en avril dernier une consultation en ligne pour recueillir le témoignage des Français sur leur mise en œuvre. Elle a recueilli 51 346 réponses, dont 93% de particuliers et 7% de professionnels.

86 % des particuliers et 79 % des professionnels ont indiqué être opposés à leur déploiement.

Le coût trop élevé d’acquisition des véhicules propres ressort nettement comme le premier obstacle au déploiement des ZFE, que les répondants soient des professionnels ou des particuliers et quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle.

Parmi les particuliers

  • 97 % des répondants particuliers ont un véhicule motorisé
  • 83 % n’envisagent pas de changer de véhicule du fait de la mise en place des ZFE
  • 42 % ont un véhicule classé Vignette Crit’air 3, 4, 5 ou non classé et pourraient, à terme, être concernés par les restrictions de circulation dans certaines ZFE
  • 8 % ignorent quant à eux le classement « Crit’air » de leur véhicule
  • 83 % estiment ne pas avoir d’alternative satisfaisante à l’usage du véhicule individuel. Ce chiffre atteint 93 % pour les répondants résidant en zone rurale

Parmi les professionnels

  • 86 % des répondants professionnels possèdent au moins un véhicule à motorisation diesel
  • 41 % ont un véhicule classé Vignette Crit’air 3, 4, 5 ou non classé
  • 74 % sont amenés à circuler dans une métropole concernée par une ZFE plusieurs fois par semaine
  • 45 % sont amenés à circuler quotidiennement dans plusieurs ZFE différentes
  • 75 % estiment que les informations relatives à la ou aux ZFE qui les concernent ne sont pas suffisamment précises ou accessibles
  • 70 % estiment que les aides ne sont pas suffisantes au regard du coût total induit par l’acquisition de véhicules moins polluants
  • 29 % s’estiment suffisamment informés sur les aides prévues pour l’acquisition de véhicules propres
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