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Commerce — Le 19 octobre 2017

Agroalimentaire : les recettes tendance

Progression du bio et des circuits courts, innovation produits, intégration du digital, packagings innovants, nouvelles formes de distribution… la filière agroalimentaire bouge et s’adapte aux dernières tendances de consommation. Illustration et dégustation en région grenobloise.

© Adobe Stock

L’étude prospective sur les comportements alimentaires en 2025, menée début 2017 par Blezat Consulting, le Credoc et Deloitte Développement durable, à la demande du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, a mis en lumière 16 tendances. Parmi elles, la recherche d’aliments permettant de réduire le risque de maladies et/ou d’améliorer ses performances ; la demande de transparence sur l’origine, la composition, les conditions de production des aliments achetés ; la recherche de naturalité, c’est-à-dire de produits sans éléments artificiels. Ces attentes résultent en partie de la multiplication, ces dernières années, des scandales sanitaires. Dernier en date, cet été, avec les œufs contaminés au fipronil.

Le bio, tendance en devenir

Ces crises ont eu notamment pour effet de déclencher un boom de la consommation d’aliments bio. “Les fermes bio tournent bien et le monde agricole a tout intérêt à s’orienter vers ce type de culture”, constate Vincent Rozé, de la Ferme de Sainte-Luce, président de Mangez bio Isère. En aval, les circuits de distribution suivent aussi. Enseigne bio depuis 1979, L’Eau Vive (siège à Brié-et-Angonnes) a déployé ses points de vente sur toute la France, inaugurant en août dernier, à Chambéry, son 57e magasin. Profitant de l’engouement du public, la grande distribution s’y met également. Carrefour Saint-Égrève a ainsi doublé l’espace consacré au bio dans ses rayons. “Dans l’esprit du consommateur, le bio est bien meilleur, à la fois pour la santé et au niveau du goût, analyse Nadège Perrin, de l’agence de communication Digimiam, spécialisée dans la filière agroalimentaire. Mais l’origine du produit prend souvent le pas sur le bio. Pour les maîtres-restaurateurs d’ailleurs, l’approvisionnement en local est un prérequis.” Pour suivre cette tendance, le MIN (Marché d’intérêt national) de Grenoble devrait bientôt ouvrir un box fermier avec des producteurs isérois, afin de faciliter l’accès des produits aux restaurateurs, et offrir en parallèle des débouchés commerciaux aux agriculteurs.

Le boom des circuits courts

La recherche de proximité fait justement partie des tendances relevées par l’étude prospective sur les comportements alimentaires. Les consommateurs privilégient les productions locales, régionales et la vente directe. Les circuits courts, c’est-à-dire les produits vendus sans intermédiaire ou par le biais d’un seul intermédiaire, ont ainsi le vent en poupe. “La région grenobloise compte une bonne dizaine de boutiques de producteurs”, estime Patrick Mérigot, président de la commission commerce et services aux particuliers à la CCI de Grenoble. Ouverte en mars dernier, La Ferme de Bonne, à Grenoble, présente ainsi sur 110 m2 l’offre d’une trentaine d’exploitants locaux. “S’ils se multiplient, c’est que ce type de point de vente correspond à un besoin des consommateurs soucieux de manger sain, analyse Patrick Mérigot. Ils répondent aussi à une certaine philosophie de vie, une attention particulière portée au développement durable, à la façon dont sont gérées les ressources…” Magasins de producteurs, AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), marchés, épiceries locavores, sites marchands regroupant l’offre locale, les circuits courts peuvent prendre différentes formes. “Ce canal représente 4 à 5 % de la consommation alimentaire, mais progresse rapidement”, note Patrick Mérigot. Pour soutenir l’agriculture locale et favoriser la consommation “made in Isère”, un pôle agroalimentaire a vu le jour. Financé par Grenoble- Alpes Métropole, le Pays voironnais et le Département, il réunit également les trois chambres consulaires. Parmi ses objectifs : la mise en réseau de tous les acteurs de la filière agroalimentaire et la création d’une marque territoriale garantissant l’origine iséroise des aliments et une rémunération correcte des agriculteurs.

Les produits du terroir font recette

Le bio et le local s’inscrivent donc parmi les tendances lourdes de la société d’aujourd’hui. Deux études menées par des professeurs de Grenoble École de Management, en 2015 et 2016, expliquent même comment la mention de l’origine géographique locale d’un article modifie de manière positive la perception des consommateurs. “Le produit local est perçu comme meilleur au goût et de qualité sanitaire plus élevée, car transporté sur des courtes distances et associé à une agriculture moins intensive”, souligne Aurélie Merle*. Il occasionne de fait une intention d’achat plus forte qu’un article similaire issu d’une autre région. Les auteurs de l’étude précisent toutefois qu’il s’agit là d’un biais de perception, puisque le consommateur ne connaît pas les conditions exactes de production, de transport et de commercialisation.
La mention géographique influe donc sur l’acte d’achat. D’où la création de nouvelles recettes pour conquérir une clientèle avide de produits du terroir. Le Crétin des Alpes, la marque créée par Laurent Gras et Yann d’Ascoli, mise ainsi sur cette référence alpine pour conquérir les consommateurs. Même si la qualité des recettes proposées doit bien sûr être au rendez-vous. Autre exemple : la Brasserie des Cuves, à Sassenage, qui tire son nom à la fois des cuves de brassage et de la grotte touristique des “Cuves de Sassenage”. Sa bière “Blonde de Sassenage” est le nom d’une fine dentelle de soie fabriquée au XVIIe siècle dans l’actuel hôtel de ville de la commune justement nommé le Château des Blondes. La mention locale figure clairement sur les bières traditionnelles de la petite brasserie. Quant à la Sacrebleu, une bière estivale de couleur bleutée (à base de spiruline) que la Brasserie a été la première à concevoir, il s’agit d’un clin d'œil au fromage bleu du Vercors-Sassenage. “Après trois ans d’activité, notre clientèle est fidèle et la demande dépasse largement la région grenobloise”, reconnaît Stéphane Louvion, co-fondateur. Cet été, le brasseur s’est équipé de nouvelles cuves de fermentation et d’un skid de brassage permettant d’atteindre une production de 1 500 hl/an. Autre exemple, dans le même secteur : Une Petite Mousse. La start-up de 15 salariés, qui a débuté son activité en 2013 en proposant une sélection de bières envoyées chaque mois à ses abonnés, a ouvert en début d’année, à Échirolles, sa propre brasserie. Et pour que sa bière soit encore davantage liée au territoire, Jonathan Bonzy, son fondateur, a voulu cultiver son propre houblon. Il a inauguré, en juin dernier, une houblonnière bio, à Saint-Martin-d’Uriage.

Le packaging, facteur différenciant

Qualité et originalité du produit, origine géographique, mais aussi packaging ! Les biscuits du Crétin des Alpes se repèrent facilement : des couleurs vives et différentes pour chaque recette, un petit bonhomme sympathique… l’emballage a de quoi séduire. La nouvelle brasserie iséroise, La Furieuse, à Sassenage, a opté également pour un design décalé. “Les bières artisanales sont généralement chères. Nous voulions cibler un public plus large”, explique Antoine Maulin, président de la société fondée en janvier dernier. L’accent a donc été mis sur le prix et sur l’identité visuelle. “Nous avons travaillé avec le studio de design grenoblois Enfant Terrible pour proposer une image fun, décontractée et conviviale.” La Furie, la Futée, la Furtive et la Furax, voici les quatre premières bières de la Furieuse. Les trois associés, qui devraient recruter trois collaborateurs d’ici juin prochain, tablent sur un chiffre d’affaires de 400 k€ pour le premier exercice.

Des modes de distribution innovants

“Du producteur au consommateur, les circuits de distribution connaissent de nombreux bouleversements, analyse Nadège Perrin. Et nous n’en serions qu’au commencement ! Les GMS ouvrent, par exemple, de plus en plus de petites surfaces en centre-ville avec la présence d’un rayon local.” De nouvelles formes de distribution voient aussi le jour. Le marché de la livraison à domicile connaît un plein essor en France. À Grenoble, ils sont nombreux à sillonner les rues à vélo pour apporter courses et repas aux particuliers. Lancée en juin, Eazyshop collecte les produits frais auprès d’une vingtaine d’artisans des métiers de bouche avant de les livrer, en deux-roues, au domicile ou sur le lieu de travail du client. Arrivée à Grenoble il y a un an, Deliveroo propose, elle, aux particuliers comme aux entreprises, la livraison de plats des restaurateurs de la ville. Au printemps, c’est l’application de livraison de repas à domicile, UberEATS, qui s’est déployée à Grenoble. Autre start-up grenobloise à proposer un service de livraison, en triporteur cette fois : Goukitok. Sa particularité ? La commande par recette. En manque d’idée ? Choisissez une recette, Goukitok s’occupe de faire les courses et d’apporter à votre domicile tous les ingrédients pour réaliser votre plat le soir même.

Le digital transforme les comportements alimentaires

Toutes ces innovations de services n’auraient bien sûr pas pu voir le jour sans Internet. La révolution digitale impacte tous les secteurs, l’alimentation comprise. C’est là une des tendances émergentes relevées encore par l’étude de Blezat Consulting, du Credoc et de Deloitte Développement durable. Le digital transforme les comportements alimentaires dans toutes les étapes précédant ou suivant l’acte d’achat : recherche et partage de l’information, acte d’achat en lui-même, service de livraison, comme nous venons de le voir, jusqu’à l’évaluation post-achat. Des acteurs de l’e-commerce sont ainsi venus bouleverser les circuits de distribution. Sur le créneau de la vente de denrées alimentaires bio et/ou locales par exemple, l’un des pionniers sur l’agglomération grenobloise, Oclico, s’est lancé dans l’aventure en 2011. Bérengère Réale, sa fondatrice, a été rejointe l’an dernier par monbaluchon.fr ou encore l’Épicerie ambulante, à Theys, qui propose des produits à la fois 100 % bio, 100 % local et de saison.

Le tourisme culinaire : un marché croissant

Sensible aux conditions de production de son alimentation, curieuse d’en savoir davantage, une partie de la population aime visiter les exploitations, rencontrer les agriculteurs, déguster le fruit de leur travail. Organisée chaque année le premier week-end de mai en Isère, Savoie et Haute-Savoie, l’opération “Prenez la clé des champs” connaît un succès grandissant. Pour l’occasion, les agriculteurs ouvrent en grand les portes de leur exploitation. L’engouement pour les visites dégustation à la ferme, que certains exploitants proposent d’ailleurs toute l’année, a poussé une jeune start-up à se créer. Lancée par Antoine Laudet et Thomas Graffin, Mon beau terroir permet de localiser en un clin d'œil les fermes dans la zone de Grenoble-Belledonne-Grésivaudan, puis de réserver et payer en quelques clics les visites-dégustation. Avec un panel d’environ 450 000 fermes en France et 80 millions de touristes ruraux (selon Atout France), Mon beau terroir dispose d’un important potentiel de marché. Les manifestations thématiques autour de la cuisine et autres expériences gustatives se multiplient sur le territoire. Ainsi, en septembre, plusieurs événements ont animé la filière dans la région. La deuxième édition de l’Isère Food Festival, organisée au MIN le 24 septembre, accompagnait la fête de la gastronomie au niveau national. L’idée de ce festival est de promouvoir le savoir-faire local. Autre manifestation déclinée en Isère : la campagne “Manger bio et local, c’est l’idéal”. Du 16 au 24 septembre, les producteurs bio invitaient la population à découvrir et déguster leurs produits. Le tourisme culinaire n’est plus une niche : la moitié des voyageurs dans le monde seraient des touristes culinaires, selon World Food Travel Association (WFTA). L’organisme les définit ainsi : “Les touristes d’agrément ayant d’une part participé à des expériences uniques et mémorables liées à la nourriture ou aux boissons lors d’un récent voyage et pour qui d’autre part, ces activités sont une motivation principale dans le choix d’une destination.” Conscient du potentiel de ce marché, le club Ecobiz Tourisme organisait le 3 octobre une rencontre à destination notamment des hôteliers et restaurateurs sur le thème : “Offrez au touriste culinaire une expérience forte.”
F. Combier

 

*Aurélie Merle, Catherine Hérault-Fournier et Carolina Werle, “Les effets de la mention d’origine géographique locale sur les perceptions alimentaires”, 2016.)

 

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