L’output gap : retard ou réserve de croissance ?
Hugues Poissonnier, professeur à Grenoble école de Management et directeur de la recherche de l’Irima.
Le quinquennat s’ouvre sous de “bons auspices”, à en croire les derniers travaux de l’OFCE*. Selon ses économistes, le nouveau locataire de l’Élysée devrait voir, dans les mois qui viennent, plusieurs indicateurs s’améliorer de façon significative et positive. En dépit des récentes chroniques dans lesquelles je me suis attaché à relativiser la pertinence et le rôle joué par le taux de croissance du PIB et ses dérivés, les chiffres avancés par l’OFCE méritent que l’on s’y attarde.
Croissance en hausse, dette et chômage en baisse… sans rien faire
Le principal chiffre à retenir est sans doute celui de la croissance qui devrait s’établir à 1,6 % par an sur les cinq prochaines années. Pas de quoi faire mentir à long terme l’idée d’une tendance vers la croissance quasi nulle. Mais il s’agit de chiffres non observés sur cinq ans, depuis plus de dix ans. Une telle situation permettrait de réduire la dette, même en cas d’arrêt de tout effort budgétaire (en bénéficiant simplement des efforts réalisés durant le précédent quinquennat, dont l’essentiel des fruits reste donc à récolter). L’inertie et l’existence d’un temps relativement long entre les mesures prises et la manifestation des résultats devraient également conduire à une réduction, certes non massive, mais réduction tout de même, du chômage, dont le niveau devrait se situer à 8 % dans cinq ans. Bien que régulièrement décrié, le CICE continuerait par exemple à produire des effets retardés.
L’output gap : une belle vague à surfer
La principale explication de nature à donner du moral au gouvernement réside dans l’existence d’un écart relativement important entre le niveau réel du PIB et son niveau potentiel, que permettrait notamment d’atteindre une utilisation optimale des capacités de production, ce que les Anglo-Saxons appellent l’output gap. Ce “retard de production” est aujourd’hui évalué à 2,7 % du PIB. Une vision plus optimiste consiste à le voir comme une réserve de croissance.
Le pari des économistes de l’OFCE consiste à imaginer que les conditions sont désormais réunies pour utiliser cette réserve. C’est cet apport qui ferait passer la croissance anticipée de 1,3 à 1,6 % par an, avec un impact non négligeable sur l’emploi.
Attention tout de même à l’excès d’optimisme
Pour intéressante que soit cette possibilité d’utiliser une réserve de croissance théorique, nombreux sont les sources de perturbation et les mauvais choix possibles qui viendraient enrayer cette mécanique bien huilée. Le maintien d’une politique de relative austérité ou les effets délétères non anticipés d’un Brexit annuleraient bien des effets positifs attendus.
L’hypothèse d’un Frexit rendrait aussi caduques nombre des scénarii envisagés. Sans doute ces choix contribueraient-ils à accroître un output gap qui prendrait alors plus clairement la forme d’un retard de croissance (conception pessimiste). Au-delà des effets que l’avenir proche permettra de mesurer et d’expliquer a posteriori, un constat demeure malheureusement plus que jamais d’actualité : les conséquences des choix réalisés, qu’elles soient positives ou négatives, sont, la plupart du temps, à gérer, voire à assumer, par des successeurs. Puisse le nouveau gouvernement ne pas trop intégrer ce constat et ne pas mener une politique qui s’avérerait court-termiste et empreinte de démagogie.
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