Déplacements : L'actualité des grands dossiers grenoblois
La suppression des Zones à faibles émissions au niveau national, la lenteur ou l'atermoiement sur les grands dossiers de déplacement régionaux – RER métropolitain, transport par câble, liaison SNCF – ou sur les politiques à moyen terme – mobilités électrique et hydrogène – ne créent-ils pas un retournement de situation pour les responsables publics et les utilisateurs professionnels ou particuliers ? Comment lire ces nouvelles inflexions ? Comment se positionnent les acteurs de la mobilité et anticipent-ils leur stratégie, et leurs investissements ?
La France a pour objectif la neutralité carbone à l’horizon 2050, conformément à l’Accord de Paris sur le climat, signé en 2015, et à la feuille de route définie par l’Union européenne (Pacte vert pour l’Europe, adopté en 2021). Principal émetteur de gaz à effet de serre (GES) et cause de la pollution de l’air, le secteur des transports amorce sa transition. Les grands projets engagés, tant au niveau national que local, se heurtent toutefois à des obstacles persistants, qu’ils soient d’ordre financier ou d’équité sociale.
ZFE : où en est-on après le changement de braquet national ?
Le 17 juin, l’Assemblée nationale a voté la suppression des ZFE à travers le projet de loi de « simplification ». Dans la métropole grenobloise, deux zones à faibles émissions (ZFE) limitent la circulation des véhicules les plus polluants : l’une pour les utilitaires et poids lourds depuis 2020, l’autre pour les voitures et deux-roues motorisés depuis 2023. La loi n'étant pas encore promulguée, « il a été décidé par les communes concernées de prolonger la période pédagogique jusqu’en juillet 2026 pour la ZFE relative aux voitures et les deux roues motorisées, et de poursuivre le calendrier envisagé, déjà étendu, pour celle applicable aux véhicules utilitaires et aux poids lourds », résume Pierre Verri, vice-président chargé de l'air, de l'énergie et du climat à Grenoble Alpes Métropole. Les premières restrictions ont déjà permis de moderniser le parc roulant et de réduire significativement certaines émissions polluantes, selon l’observatoire de la qualité de l’air, Atmo Auvergne-Rhône-Alpes.
Réseau routier : sécuriser et fluidifier
La traversée de Grenoble est désormais plus fluide grâce à la mise en service de l’échangeur du Rondeau, entre la RN 87 et l’autoroute A 480, un chantier complexe entamé en 2021 et dont la partie souterraine, qui a nécessité de nombreuses réorganisations du trafic, a été inaugurée en juin 2025. « Le Rondeau est un vrai projet multimodal, qui consiste à fluidifier un trafic dense, de 100 000 véhicules par jour, grâce à une séparation des flux », résume Rémi Riou, responsable d’opérations routières à la Dreal (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement). « Les flux locaux passent sur la partie supérieure, les flux de transit de l’autoroute A 480 passent par la tranchée couverte. Les collectrices nord et sud seront mises en service durant l’été, il restera encore des aménagements de surface à réaliser, notamment la passerelle pour les modes doux et les arrêts de bus. La fin du chantier est prévue au printemps 2026. » Ces aménagements représentent un coût de 153 M€, supporté par l’État, la Région, le Département et la Métropole.
Autre gros chantier isérois : la RD 1075, entre le col de Fau et le col de la Croix-Haute. Avec 14 000 véhicules par jour, cet axe très fréquenté est l’un des plus accidentogènes de l’Isère. Le Département y mène « un programme de sécurisation », qui comprend notamment « le réaménagement de tous les carrefours répertoriés comme dangereux », et la réalisation de neuf créneaux de dépassement afin de pallier les dépassements à risque, énonce Bernard Perazio, vice-président du Département de l’Isère, en charge des mobilités et de la construction publique. « Les travaux, d’un montant de 56 M€, ont débuté fin 2021 et devraient s’achever en 2032 ». Quant à la RD 1532, coupée à la suite du spectaculaire éboulement rocheux survenu sur la commune de La Rivière en juillet 2024, une solution alternative de tracé est en réflexion, après un nouvel épisode enregistré le 31 mars 2025. La consultation publique, initialement prévue en juin, « est reportée dans l’attente des conclusions de ces études ».
Transport par câble : mobilité et sécurité
Les solutions de transport par câble gagnent du terrain dans les territoires de montagne dont l’accès doit concilier besoins de mobilité et exigences de sécurité. Les aléas du dérèglement climatique renforcent l’opportunité de ces alternatives. La crue torrentielle exceptionnelle qui a touché la vallée du Vénéon et particulièrement le hameau de La Bérarde, les 20 et 21 juin 2024, a entraîné la coupure de la RD 530, seul axe routier de la vallée pour lequel le Département a engagé 18 M€ de travaux de remise en état. Afin d’éviter les engorgements routiers des voitures individuelles et de limiter l’exposition aux risques, un système de navettes temporaire a été mis en place pour cet été 2025. Mais pour être incitatives, les solutions doivent être confortables et rapides. L’ascenseur valléen a ces arguments en sa faveur.
En Oisans, deux projets existent déjà et deux autres sont à l’étude. La télécabine entre Venosc et Les Deux Alpes pallie l’absence de route depuis 1994. À compter de 2020, Eau d’Olle Express relie Allemond à la station d’Oz-en-Oisans en 8 minutes, pouvant transporter jusqu’à 2 000 personnes par heure. En projet, une télécabine « pour relier Bourg-d’Oisans à Huez doit éliminer 2 000 t de CO2 sur une portion de route qui voit circuler 600 voitures par jour, auxquelles s’ajoutent les vacanciers », détaille Jean-Yves Noyrey, maire d’Huez, vice-président responsable de la mobilité au sein de la Communauté de communes de l’Oisans et conseiller régional. Son coût est estimé entre 50 et 60 M€. Le permis de construire devrait être déposé début 2026, sous réserve de l’approbation du Scot. Enfin, le tronçon de 5 km entre Le Freney-d’Oisans et Les Deux Alpes emprunté par un million de véhicules par an, pourrait être remplacé d’ici 2035 par un ascenseur valléen quatre saisons (coût estimé : 15 M€).
Bus, tram, vélo : le Smmag muscle l’offre de transport dans l’agglo grenobloise
Pour offrir des alternatives crédibles à la voiture, le Smmag (Syndicat mixte des mobilités de l'aire grenobloise), a lancé en septembre 2024 M réso, son nouveau réseau de bus qui intègre désormais ceux du Grésivaudan et du Voironnais et permet de voyager avec un ticket unique avec des tarifs souvent plus avantageux. Le réseau a été enrichi de lignes rapides, de passages plus fréquents et des horaires étendus. M réso englobe également 25 lignes de cars régionales. À cela s’ajoute l’extension de la ligne D du tram. Dans son schéma directeur cyclable, le Smmag prévoit la création de huit lignes express Chronovélo (six radiales et deux circulaires) qui relieront 22 communes d’ici 2035. Avec plus de 450 km d’itinéraires cyclables, la Métropole dispose de l’un des réseaux les plus développés de France. La Chronovélo 1, qui connecte Meylan à Grenoble, doit être prolongée jusqu’à La Poya à Fontaine. Le tracé de cette extension entraîne la mise à sens unique d’une partie du cours Berriat, ce qui ne fait pas l’unanimité. Les travaux, qui devaient débuter en mars 2025, ont été reportés à fin 2026.
Le Serm : un projet à plus de 1 Md€
Le Serm, Service express régional métropolitain, promet des trains plus grands, plus nombreux avec une amplitude horaire étendue et l’objectif d’une hausse de 80 % de la fréquentation sur le « Y » grenoblois. Un projet évalué à plus de 1 Md€. Des étapes se concrétisent, qui intègrent la mise en service, depuis mars 2025, de la halte ferroviaire de Pont-de-Claix-L’Étoile, ou encore les aménagements de la gare de Brignoud en pôle d’échange multimodal, et l’amélioration du débit à Échirolles. Ces avancées permettent d’envisager « à l’horizon 2028, une première amélioration de l’offre ferroviaire en passant de 2 à 4 trains par heure de pointe en direction du Grésivaudan », précise la préfecture de l’Isère. Du côté des usagers, le conseil de développement de Grenoble Alpes Métropole rêve d’un « Grenoble Alpes Express » avec une intermodalité fluide, un billet unique pour tous les modes de transport et une qualité de service élevée, à l’instar du Léman Express, en Suisse, dont le succès a dépassé les objectifs depuis sa mise en service en 2019.
Un modèle économique à repenser
L’évolution des mobilités réclame des investissements importants, dans un contexte de contraintes budgétaires. Une conférence nationale, Ambition France Transports, organisée par les ministères des Transports et de l’Économie a rassemblé, entre mai et juillet 2025, « des élus, acteurs publics et privés, des experts et représentants de la société civile pour définir un nouveau modèle de financement des infrastructures de transport à l’horizon 2040 ». Maire de Saint-Martin-le-Vinoux et président du Smmag, Sylvain Laval y a participé en tant que coprésident de la commission Transports, Mobilité et Voiries de l’Association des maires de France. Parmi les sources de préoccupation : la pression financière subie par les communes et des EPCI, détenteurs de « 65 % du réseau routier » qui se trouve « dans un état très dégradé, notamment les ouvrages d’art ». L’édile évoque la possibilité de mobiliser des financements via les amendes des polices municipales, dont les recettes « vont dans les caisses de l’État » et non aux communes, ou encore la fin des contrats de concessions autoroutières, entre 2031 et 2036. Une échéance que la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) considère également comme une opportunité. Vice-président de la Fnaut AURA, François Lemaire participe quant à lui à Ambition France Transports et défend la mise en œuvre d’une écotaxe pour les poids lourds, une manne évaluée à 5 ou 6 Md€. « L’écotaxe sera appliquée en Alsace en raison du transit important. Pourquoi pas en AURA, où le trafic de transit est tout aussi conséquent ? ».
A. Fourney
Lire la deuxième partie de notre dossier : Nouvelles mobilités : va-t-on enfin passer à la vitesse supérieure ?
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