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Présences Grenoble
Experts — Le 12 novembre 2025

La Chine peut-elle s’imposer comme première puissance mondiale ?

C’est la question du moment ! Selon GEM et l’IRIS, organisateurs des Géopolitiques de Grenoble, « forte d’une croissance économique soutenue, d’avancées technologiques majeures et d’une diplomatie d’influence de plus en plus affirmée, Pékin s’impose désormais comme un acteur central d’un ordre international en recomposition. Dans quelle mesure la Chine peut-elle s’imposer comme première puissance mondiale, selon quelles modalités, dans quels domaines, et avec quelles implications pour la structure même de l’ordre international ? ». Mourad Chabbi, enseignant-chercheur à GEM et intervenant à cette conférence-débat, dévoile les lignes forces et pose les termes des échanges à venir.

© Adobestock

Traiter de la Chine, de ses ambitions et de sa volonté d’hégémonie, face aux États-Unis notamment, représentait une évidence, pour cette première édition des Géopolitiques de Grenoble ? 

Mourad Chabbi : Complètement ! De la même façon qu’il n’est plus possible d’évoquer la politique internationale sans prendre en compte les décisions fortes de l’administration américaine – en en particulier du président Donald Trump – il est à présent incontournable, face aux États-Unis, d’aborder la Chine. Elle est en effet perçue comme une puissance montante et une concurrente directe sur les plans économiques, technologiques et stratégiques. En tant que telle, la Chine doit donc faire l’objet d’une attention toute particulière. Nous sommes au moment où le 15e plan quinquennal, pour les années 2026-2030, a été retenu, en octobre, par le comité central du Parti communiste chinois. Cette feuille de route, qui définit un cap fort sur l’innovation, la science, la diffusion du développement économique en interne, le maintien des exportations en externe, soulève de nombreuses interrogations. La Chine est-elle un modèle fragile, ou au contraire extrêmement résilient ? Pour ma part, j’ai mené des travaux de recherche sur les technologies de rupture, notamment la fabrication de semi-conducteurs. L’idée sera donc de dresser un état des lieux des avancées technologiques dans ces deux pays, dans les domaines de l’intelligence artificielle, des semi-conducteurs, de la cybersécurité, des technologies quantiques, de la 5G, etc. Ces domaines se situent désormais au cœur de la compétition internationale, car ils reposent sur des savoir-faire que chaque puissance veut maîtriser de bout en bout. Je montrerai comment les États-Unis cherchent à freiner les progrès technologiques chinois, notamment en bloquant les approvisionnements, pour éviter que Pékin ne devienne un concurrent global et stratégique. 

Mourad Chabbi enseignant-chercheur © GEM
Mourad Chabbi enseignant-chercheur © GEM

 

Qu’est-ce qui se joue derrière cette rivalité technologique, et en quoi concerne-t-elle en premier lieu les entreprises ? 

MC : Cette compétition est fondamentale, car elle s’inscrit dans un contexte plus large de redéfinition de la mondialisation. Pendant des décennies, le monde économique a été guidé par une logique de marché et d’optimisation des chaînes de valeur. Aujourd’hui, la géopolitique reprend le dessus : la politique et la sécurité nationale dictent désormais les règles du commerce. Les entreprises doivent donc s’adapter à ce nouvel ordre, souvent marqué par des mesures protectionnistes, des logiques de découplage et la constitution de deux écosystèmes technologiques distincts : l’un dominé par les États-Unis et l’Europe, l’autre par la Chine. Cette séparation ralentit l’innovation et restreint les marchés, et les entreprises sont tenues de choisir leur camp. À Grenoble, en France ou ailleurs en Europe, des acteurs industriels majeurs se trouvent directement concernés, notamment ceux liés aux semi-conducteurs. À cela s’ajoute la question cruciale des terres rares. La Chine détient environ 60 % des réserves mondiales et assure près de 90 % du raffinage. Or cet automne, elle a décidé de restreindre l’exportation de douze de ces éléments, essentiels pour l’électronique, les batteries, l’armement et l’industrie du numérique. La rencontre entre Xi Jinping et Donald Trump, le 30 octobre, a en partie résolu le différend. Mais les entreprises européennes, notamment dans la région grenobloise, doivent désormais anticiper de potentielles ruptures d’approvisionnement et repenser leurs chaînes de valeur. 

Quelles pourraient être les solutions abordées par cette conférence-débat ? 

MC : Sans anticiper le propos, plusieurs options se présentent aux entreprises : élargir leur sourcing à de nouveaux pays, comme l’Inde, où des entreprises américaines commencent à se relocaliser ; ou à l’inverse, fermer partiellement leur marché, pour renforcer la production et la coopération intra-européenne. Mais cette stratégie suppose un changement de paradigme : la croissance ne sera plus guidée uniquement par l’expansion internationale, mais aussi par la protection et la résilience économique. Cette transition pose enfin la question de la souveraineté et des coopérations internationales. Les coûts de la R&D et de la maîtrise technologique sont désormais tels qu’aucun État ne peut avancer seul. La nécessité de construire d’autres partenariats stratégiques émergent donc, comme celui conclu entre la France et les Émirats arabes unis dans le domaine de l’intelligence artificielle, un exemple de coopération à la fois pragmatique et compatible avec nos intérêts géopolitiques. L’objectif de notre conférence sera donc d’éclairer le public sur ces transformations, de les aider à comprendre ce nouveau monde et à s’y adapter. À Grenoble, nous avons la chance d’avoir un écosystème d’acteurs publics et privés (CEA, CNRS, grands groupes, start-up…) directement concernés par ces enjeux. Ce moment doit aussi permettre de prendre conscience de la réalité du monde qui vient : un monde où la technologie, la souveraineté et la géopolitique sont désormais indissociables. 

E. Ballery

Conférence débat :

La Chine peut-elle s’imposer comme première puissance mondiale ?

Participants :

Sylvie Bermann 
Ambassadrice de France, présidente du Conseil d’administration de l’IHEDN

Mourad Chabbi
Enseignant-chercheur à Grenoble École de Management (GEM)

Emmanuel Lincot 
Directeur de recherche à l’IRIS, co-responsable du Programme Asie-Pacifique

Valérie Niquet
Maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique

Modération :

Hadjar Aouardji 
Directrice de la recherche à l’IRIS 

A lire aussi :

Première édition des Géopolitiques de Grenoble : Comprendre les grands enjeux du monde contemporain

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