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Experts — Le 26 septembre 2025

Sophie Sidos, présidente du Medef Isère « Les entreprises refusent de payer deux fois les factures » !

Sophie Sidos présidente du Medef Isère.
Sophie Sidos présidente du Medef Isère © F. Ardito

Depuis la REF organisée fin août, une parole forte s’exprime au Medef et chez les dirigeants d’entreprise. Avec quels messages ?

Sophie SIDOS : Parce que derrière la volonté d’expression des dirigeants, c’est l’avenir de la France qui est en question ! Le 29 août, la REF a rassemblé 13 000 dirigeants à Paris, soit un record absolu de participation, dans un climat d’incertitude politique sans précédent. Or ce niveau d’incertitude se traduit dans la société par des effets immédiats : selon un sondage IFOP, 72% des Français se déclarent « en colère », et 68% en « perte de confiance », avec toutes les répercussions que cela suscite : un taux très élevé d’épargne, une baisse de la consommation... Une grande partie des dirigeants partagent ces sentiments ! Car une entreprise ne peut tricher en s’endettant en permanence, comme le fait l’État pour masquer ses déficits. Et au Medef, nous considérons que nous ne devons pas payer les factures deux fois, la première par des impôts et des prélèvements obligatoires exceptionnellement élevés en France. La seconde par des mesures supplémentaires, qui ne mettraient en rien un terme à la mauvaise gestion des finances publiques.

Les conséquences économiques sont pourtant bien réelles ?

Les Français peut-être ne saisissent pas complètement que l’incertitude pesant sur la réglementation fiscale et sociale des entreprises se répercute aussitôt par l’arrêt des projets, des investissements, et donc du développement et de la création d’emploi sur les territoires. Dans un environnement devenu illisible, les dirigeants n’ont plus de repères pour faire leur budget, évaluer les retours sur investissements, ou bien les risques de leurs projets deviennent trop élevés. Or pendant ce temps, les entreprises des autres pays continuent à avancer. Je lisais encore ces derniers jours les progrès incroyables réalisés en France dans l’amélioration de la qualité de l’air. Les entreprises ont accompli des progrès considérables dans leur décarbonation, et il faut continuer dans cette voie. Nous sommes souvent exemplaires en France, au niveau social ou environnemental. À l’inverse, passer son temps à agiter des sujets démagogiques, comme les débats sur la taxation de quelques personnes désignées comme « ultra-riches » sont contre-productifs, et détournent notre attention des vrais sujets.

Quels seraient les effets de cette mesure ? 

Comment imaginer qu’en assenant une fiscalité aussi confiscatoire sur leur outil de travail, ces personnalités resteraient durablement en France, quand nous avons justement besoin de davantage d’entreprises industrielles et d’investisseurs en France ? Dans des contextes d’économie ouverte, et quand des pays aussi proches que l’Italie bénéficient d’un environnement fiscal beaucoup plus favorable, de telles mesures sont tout simplement suicidaires. Les impacts de ces décisions sont partout identiques, notamment au Royaume-Uni qui assiste aussi à un départ de « non-dom ». On ne peut non plus faire circuler un montant global d’aides aux entreprises, sans préciser qu’elles ont précisément été accordées pour compenser des excès de fiscalité ou de réglementation, ou que ce montant intègre l’allègement des charges sociales sur les bas salaires, le recrutement et la formation des alternants... Factuellement, le niveau de prélèvements obligatoires pesant sur les salaires en France compte déjà parmi le plus élevé au monde ! Toutes les entreprises signeraient pour moins d’aides, en contrepartie de prélèvements et de fiscalités moins élevés. De même, la solution au développement de l’industrie qui n’a cessé de reculer en France passe par la diminution des impôts de production. Le constat de ces dernières années, est bien que lorsque les normes et la fiscalité pesant sur l’entreprise tendent à baisser, alors l’emploi se développe et le chômage baisse. Nul besoin d’être énarque ou polytechnicien pour comprendre cela. D’autres pays jouent massivement sur leurs avantages dans ce domaine.

Dans ce contexte chaotique, quelles analyses faites-vous de l’environnement international ? 

Je constate que selon les sphères géographiques, les entreprises ne jouent plus à armes égales. Aux États-Unis, les investisseurs et les sociétés disposent à la fois d’un dispositif d’aide de plus de 300 Md$ pour les accompagner dans les transitions du futur, via l’IRA (Inflation reduction act), et de droits de douane qui les protègent de la concurrence extérieure. Face à cela, nous aurions besoin d’une Europe forte, et d’un continent qui soutienne ses entreprises. Or nos sociétés européennes sont à la fois soumises au dumping chinois, et aux droits de douane américains ! Pourquoi l’Europe et son marché de 450 millions d’habitants ne s’affirme-t-elle pas davantage face aux Etats-Unis et à la Chine ? Pourquoi n’a-t-on pas réussi encore à construire des règles communes et un marché unifié que nous appelons de nos vœux ? Et au sein du marché intérieur, pourquoi un pays comme l’Allemagne pousse-t-il encore le charbon, et les entreprises françaises peinent-elles encore à remporter un appel d’offres outre-rhin ? Notre constat est que l’Europe ne fonctionne pas ! Cela a conduit le Medef à ouvrir un bureau à Bruxelles dans le but de faire remonter nos sujets de préoccupation. 

Vous revenez d’une mission d’une semaine en Asie du Sud-Est, où vous avez conduit une délégation de dirigeants d’entreprises, en tant que Présidente des Conseillers au Commerce extérieur de la France. Quels enseignements tirez-vous de cette mission ?

D’abord, les interlocuteurs institutionnels qui nous ont accueilli sont tous surpris de voir la France connaître une telle crise politique, avec un troisième premier ministre en un an… Cela ne consolide pas la position et l’image de la France à l’étranger. Sur le plan économique en revanche, notre délégation était majoritairement composée d’entreprises qui investissent et se positionnent pour le long terme sur des marchés extérieurs. Chez Vicat, quand nous créons une cimenterie, nous le faisons pour 100 ans au moins ! En nous rendant en Malaisie, au Cambodge, au Vietnam, notre mission a pu identifier des opportunités, rencontrer des Français qui réussissent et développent leur activité. Mais les entreprises françaises et européennes ne sont pas attendues : la concurrence chinoise est partout, dans tous les domaines, y compris dans les secteurs de haute technologie, avec un État chinois qui appuie massivement sa R&D, quand l’Europe déploie le tapis rouge au photovoltaïque et aux véhicules électriques chinois. Dans ce contexte, nous voudrions remettre en cause en France le Crédit d’Impôt Recherche, le seul dispositif qui soutient la R&D et représente un atout que beaucoup d’autres États nous envient ? Nos entreprises et le monde sont soumis à des transformations majeures, qui demandent d’investir sur des solutions de long terme. Or les politiques ont un horizon à moins de deux ans. Cela ne peut conduire qu’à un résultat : dissuader les dirigeants d’investir en France, quand rarement les Français ont eu aussi confiance dans leurs entreprises.

Où les investissements ont-ils tendance à se localiser ? 

Des acteurs qui étaient présents au Mexique pour atteindre le marché des États-Unis s’interrogent à présent sur la création de sites aux USA pour contrer la politique américaine sur les droits de douane. De façon plus large, ils regardent toutes les opportunités, et ils peuvent pour cela s’appuyer sur notre réseau de conseillers au commerce extérieur, présents dans 152 pays. Comme je le dis souvent, « il n’y a pas de pays magique ». Tous requièrent de l’écoute pour comprendre les réalités locales, de l’adaptabilité, du temps, et de se battre contre la concurrence. Pour autant, il est nécessaire d’aller à l’étranger pour se développer et ne pas mettre tous ses œufs dans un même panier. Mes recommandations sont constantes : n’y allez pas seuls ! Les ambassades françaises du monde entier fournissent des services extraordinaires aux entreprises, tout comme Bpifrance et les partenaires de la Team France à l’export. Les dirigeants ne demandent qu’à continuer à innover, à exporter et à créer de l’emploi. C’est bien cette bataille-là que nous devons gagner ! 

E. Ballery

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