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Loisirs — Le 11 octobre 2021

Le tourisme de montagne s’élèvera-t-il de nouveau ?

La pandémie a provoqué une crise sans précédent dans le secteur du tourisme. Les stations de ski, enchaînant saison blanche ou partiellement tronquée, ont été contraints d’attendre des jours meilleurs. Au démarrage de la saison 2021, le tourisme de montagne, déjà en pleine réinvention, multiplie les pistes d’opportunités pour séduire de nouvelles clientèles. Revue d’acteurs à l’offensive.

© Alpe d’Huez - L. Salino

Hôtellerie-restauration, résidences touristiques, commerces, transport, remontées mécaniques… depuis 18 mois, la situation sanitaire impacte des pans entiers de l’économie de montagne. Malgré une météo capricieuse, l’été 2021 ressort comme un bon cru pour le tourisme isérois, avec une progression de 5 % du nombre de nuitées par rapport à 2020. Néanmoins, il n’a pas permis de rattraper une saison hivernale catastrophique.

Selon Isère Attractivité, ce sont ainsi 830 M€ de chiffre d’affaires qui ont été perdus pour l‘ensemble des entreprises touristiques iséroises, dont plus de la moitié pour les restaurants, 140 M€ pour les domaines skiables, activités sportives, musées, et 120 M€ pour les hébergements. « En Isère, la baisse globale des nuitées, pour l’hiver 2020-2021, s’établit à -45 %, avec des disparités selon les massifs, précise Christophe Suszylo, le nouveau président d’Isère Attractivité et vice-président du Département en charge du tourisme et de l’attractivité. Le Vercors, la Chartreuse ou Belledonne ont affiché des baisses de l’ordre de 35 %, quand le massif de l’Oisans avec ses stations de ski internationales déplore une perte de 70 %. »

Des plans de secours…

L’an passé, suite à la décision de fermeture des remontées mécaniques, le gouvernement a mis en place des mesures d’indemnisation. Ainsi, 70 % des charges fixes liées à l’exploitation des remontées mécaniques ont été prises en charge. D’autres aides exceptionnelles ont également été instaurées à destination des entreprises situées en amont de la chaîne de valeur des activités de montagne, ainsi que de l’ensemble des commerces de matériel de ski. En Isère, plus de 38 000 entreprises ont reçu au total 624 M€ grâce au fonds de solidarité, quand les activités hôtelières ont pu faire appel au plan tourisme.

La crise sanitaire a mis un peu plus en lumière les enjeux liés au réchauffement climatique. Lancé en mai dernier par le gouvernement, le Plan Avenir montagne, doté de 5,4 Md€ (cf. encadré), vise à accompagner les territoires de montagne vers une offre touristique résiliente et durable. L’objectif est de favoriser la diversification des activités touristiques, d’accélérer la transition écologique des stations, de dynamiser l’immobilier de loisirs et d’enrayer le développement des « lits froids ».

… pour une montagne durable

En parallèle, la Région a mis en place un plan d’urgence de 400 M€ à destination des professionnels de la montagne. Depuis 2016, elle déploie, par ailleurs, un vaste plan montagne, d’un budget de 90 M€, qui a permis d’accompagner 120 stations du territoire. Dévoilé le 16 septembre dernier, le Plan Montagne II est, lui, doté de 100 M€ supplémentaires. Objectif ? Faire d’Auvergne-Rhône-Alpes « la première montagne durable d’Europe ». La Région entend épauler les collectivités et acteurs touristiques dans leurs projets de développement durable, dans la diversification de l’offre touristique, mais aussi sur les questions de la sécurisation de l’enneigement. Le plan prévoit également un volet sur la rénovation immobilière, des aides aux petites stations et un soutien au développement des ascenseurs valléens.

En complément, le Département de l’Isère a engagé un plan d’investissement de plus de 10 M€ sur trois ans. Il vise, entre autres, à accélérer l’attractivité des stations pour en faire des lieux de bien-être et de santé ; à accompagner le développement du ski, tout en soutenant la diversification de l’activité touristique ; à soutenir le développement des transports valléens par câble et des solutions de transports plus propres pour l’accès aux massifs.

La problématique des saisonniers

Soutenus financièrement, les hôteliers se montrent cependant inquiets, à l’aube de la saison d’hiver. Globalement, le tourisme ressort comme l’un des rares secteurs à ne pas avoir retrouvé son volume d’activité d’avant-crise. D’après l’Insee, si la consommation dans l’hébergement-restauration au troisième trimestre 2021 se situe à un niveau supérieur à celui de l’été 2020, elle reste en retrait par rapport à 2019. Et la grande majorité des hôteliers interrogés par Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme se montrent peu confiants pour la prochaine saison hivernale… Parmi leurs sujets d’inquiétude, la pénurie de main-d’œuvre. « Je cherche à recruter une centaine de collaborateurs, pour l’essentiel des saisonniers, annonce Patricia Grelot-Collomb, de l’hôtel Les Grandes Rousses à L’Alpe d’Huez, mais je ne trouve personne ! » Même son de cloche au Grand Hôtel de Paris, à Villard-de-Lans, qui emploie dix salariés à l’année et 15 à 20 saisonniers selon la période.

Mi-septembre, Pôle Emploi Isère recensait 3 400 offres d’emploi dans les métiers de l’hôtellerie-restauration, sans compter les offres directes ne passant pas par ce réseau. « Lors du premier confinement, nous avons perdu un tiers de nos effectifs, estime Danièle Chavant, présidente de l’Umih 38. Ils ont préféré aller travailler dans d’autres secteurs moins contraignants en termes d’horaires. » Dynamiser l’image de la profession et attirer à nouveau les jeunes vers les métiers de l’hôtellerie-restauration, c’est là un des défis de l’Umih. Dans un premier temps, l’organisation professionnelle a organisé en septembre, à Grenoble et Vienne, deux rendez-vous des métiers avec démonstrations de gestes techniques, bus de l’emploi et sa célèbre course des garçons de café.

La diversification, plus que jamais d’actualité

 

© Les Deux Alpes - L. Leroy
© Les Deux Alpes - L. Leroy

« La pandémie de Covid n’est pas la première crise que traverse cet écosystème, remarque Vincent Delaitre, directeur d’Isère Attractivité. La montagne fait face depuis plusieurs années à deux grands défis : le changement climatique et l’évolution des attentes des clientèles. Par rapport aux impacts du changement climatique, l’étude menée par le Département de l’Isère en 2018, réactualisée cette année avec les nouvelles données du GIEC sur les perspectives d’enneigement à l’horizon 2030 et 2050, ont montré que, moyennant un équipement modéré en neige de culture sur certaines pistes, le niveau de skiabilité des domaines serait en 2050 identique à celui d’aujourd’hui. Le ski alpin reste l’atout majeur pour l’avenir et constitue un des leviers nécessaires à la diversification. »

 

«Il y a déjà plusieurs années que le modèle du “tout ski” est questionné, affirme Nathalie Faure, vice-présidente du Département déléguée à la montagne. Le Covid a simplement conduit à accélérer les changements. » Grâce aux Contrats de performance Alpes Isère (CPAI) dotés d’un budget de 2 M€ par an, et avec l’aide de la taxe collectée sur les remontées mécaniques, le Département permet le financement de projets de diversification. « Ces initiatives vont au-delà des activités sportives et des équipements de loisirs pour que d’autres économies s’installent, autour de projets de tiers lieux ou liés au bien-être par exemple », poursuit Nathalie Faure.

La montagne, nouvelle destination santé

« Le ski constitue un levier qui doit permettre d’investir pour le futur », renchérit Patricia Grelot-Collomb. L’établissement poursuit sa dynamique d’innovation : déjà doté d’un spa de 350 m2, l’hôtel les Grandes Rousses prévoit de doubler sa superficie. Nous allons proposer, dès cet hiver, un concept d’alpinothérapie®, mêlant le froid, l’eau et la lumière. » Un espace de 1 000 m2 lui sera consacré avec une offre de soins, de la cryothérapie et autres thérapies antistress. « L’idée est de se décorréler du tout neige en proposant une offre unique dans les Alpes, avec l’objectif d’obtenir un meilleur taux d’occupation l’hiver et de rallonger les saisons. »

© Les Grandes Rousses
© Les Grandes Rousses

 

Air pur, grands espaces, contact avec la nature, l’eau, la forêt, pratique d’une activité physique : la montagne cumule les bénéfices pour le corps et l’esprit et peut donc répondre à toutes les nouvelles aspirations dans ce domaine. De fait, les hébergeurs s’équipent à tour de rôle pour satisfaire ces demandes.

À Villard-de-Lans, l’hôtel La Roseraie a aménagé, l’hiver dernier, un nouvel espace composé d’un hammam et d’un sauna. Le tout nouvel hôtel de Vaujany, Le V, a intégré dès sa conception cet esprit cocooning avec une ambiance chalet, des décors boisés, et une offre spa avec piscine de relaxation, sauna, hammam et bain nordique. Au Col de Porte, les Trois Sommets s’apprêtent à ouvrir cet hiver un centre avec jacuzzi et sauna. Même parti pris pour L’Auberge de la Croix-Perrin, à Lans-en-Vercors qui s’est totalement rénovée en 2020, opérant une montée en gamme avec, notamment, l’ouverture d’un espace comprenant sauna et jacuzzi.

L’été aussi

« Côté outdoor, le Covid s’est avéré un amplificateur de tendances, note Alexandre Chalencon, directeur de l’office du tourisme Belledonne-Chartreuse (7 Laux, Collet d’Allevard, Barrioz, plateau des Petites Roches). Nous avons ainsi constaté un grand appétit pour la randonnée, le trail et bien sûr le VTT et le VTT à assistance électrique ». Les 7 Laux ont ouvert, cet été, sur le site de Prapoutel, un Bike’Arc Trail Center avec des boucles de VTT courtes et des pistes plus familiales. À Villard-de-Lans, une nouvelle activité de descente a fait son apparition l’an dernier sur les pentes de la Côte 2000 : le mountain kart. Les luges 4 saisons aménagées à Autrans, aux 7 Laux et à l’Alpe d’Huez permettent également d’étoffer l’offre de loisirs en direction des familles.

La question centrale de la qualité de l’hébergement

« En matière de séjours, la crise du Covid a fait naître une nouvelle habitude : la réservation d’ultra-dernière minute, 24 heures avant, avec des annulations rendues possibles quelques heures avant l’arrivée, précise Armelle Solelhac, fondatrice de Switch, agence annécienne de prospective et stratégie spécialisée dans le tourisme. La situation est, certes, inconfortable pour les hébergeurs, mais c’est une nouvelle attente à laquelle ils vont devoir s’adapter. » En situation post-Covid, la recherche de sécurité sanitaire et le besoin de profiter de ses proches bénéficient aussi au staycation (vacances à la maison). Le tourisme de proximité se développe : le consommateur part à la journée pour pratiquer une activité sportive, vivre une micro-aventure…

Autre tendance : le slow tourisme, l’art de prendre son temps, de profiter de la nature, de se ressourcer. « Il s’agit d’un tourisme privilégiant notamment des destinations proches et des moyens de transport moins polluants où l’on prend le temps de découvrir une destination et d’apprécier les paysages, relate Armelle Solelhac. Il repose sur des séjours de courte durée, pour lesquels la qualité de l’hébergement est centrale. »

Autre phénomène induit par la crise sanitaire et qui pourrait bien perdurer : le développement du télétravail en station avec la création d’espaces de coworking au sein même des hôtels, et la nécessité, pour les hébergeurs, de proposer des formules attractives. « On voit apparaître des phénomènes nouveaux, par exemple l’installation de tiers lieux, le développement du télétravail, qui n’ont rien à voir avec le tourisme et qui contribuent pourtant très fortement à l’économie et à l’emploi », constate Thierry Gamot, vice-président de 2TM, Transition des territoires de montagne. Pour Armelle Solelhac, des pratiques se font jour : « Le tourisme partout, tout le temps. » On parle ainsi de worliday, le fait d’associer travail et vacances, autrement dit de travailler quelques heures par jour sur son lieu de séjour. Ou bien encore l’idée de mixer voyage d’affaires et loisirs (bleisure). Une façon de vivre la montagne sur les deux versants : professionnel et personnel !

F. Combier

Infos clés

Isère
4 massifs 
22 stations
24 500 emplois directs dans le secteur du tourisme

Hiver 2018-2019 :
10,7 millions de nuitées 
CA des remontées mécaniques : 127,7 M€ 
4,88 millions de journées de ski

Hiver 2019-2020 : 
8,9 millions de nuitées
CA des remontées mécaniques : 112,6 M€ de recettes (fermeture mi-mars)
4,42 millions de journées skieurs 

Hiver 2020-2021 :
6,5 millions de nuitées
CA domaines de ski nordique : 2,5 M€ soit le double du CA moyen de ces 5 dernières années (1,27 M€) 

Été 2019
9,4 millions de nuitées
Été 2020
8,1 millions de nuitées

Sources : Isère Attractivité, Domaines skiables de France
 

Un Plan montagne pour faire face à la crise


• 4,6 Md€ d’aides d’urgence dont :
2 Md€ de soutien à la trésorerie des entreprises et commerces de montagne
480 M€ d’aides aux exploitants de remontées mécaniques
1,6 Md€ de prêts garantis par l’État
535 M€ d’activité partielle

• 330 M€ de mesures de relance pour les entreprises :
Prêts et investissements en (quasi) fonds propres de Bpifrance et la Banque des territoires

480 M€ de mesures de relance pour les collectivités territoriales

 

 

Le Club Euro Alpin


Animé par la CCI de Grenoble, le club regroupe près de 800 professionnels et territoires de montagne de l’arc alpin. Ses missions :
• développer l’économie de la montagne en misant sur l’esprit d’innovation
• promouvoir le savoir-faire des acteurs et le territoire, en local et au-delà des frontières • contribuer à la vie et aux services accessibles à l’année dans les territoires
• réaliser une veille concurrentielle, partager les connaissances à travers des rencontres, visites, salons

Contact : francis.fiesinger@grenoble.cci.fr

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