Construire ou rénover, comment choisir ?
À mesure que se renforcent les impératifs écologiques, économiques et sociaux, faut-il toujours construire des logements ou privilégier la rénovation ? Une question qui ne cesse de faire débat, quand les besoins différenciés appellent des analyses beaucoup plus fines.

« Quand le bâtiment va, tout va », a-t-on coutume d’entendre. Malheureusement, lorsque la machine s’enraye, le bâtiment souffre, la construction craque, et toute l’économie avec elle. Les recettes des collectivités territoriales et de l’État sont directement reliées à la santé de ces secteurs essentiels. Or le niveau des logements mis en chantier a atteint en 2023 son degré le plus bas depuis les années 2000, avec 295 000 mises en chantier contre une moyenne de 385 000 entre 2010-2019, et la baisse continue. Pourtant, les nécessités ne faiblissent pas, alimentant le risque d’une crise sociale à venir autour du logement. En 2022, la Cour des comptes estimait à 370 000 le nombre de logements à construire chaque année pour répondre à la demande, tandis que la Fédération des promoteurs immobiliers table sur un besoin de 450 000 logements annuels à l’horizon 2030. Cependant, la construction neuve demeure extrêmement sensible aux cycles économiques, d’autant plus dans un contexte de transition écologique, de raréfaction du foncier et de réduction des permis de construire. Dès lors, une question revient sans cesse : faut-il revoir à la baisse les objectifs de construction neuve, au profit d’un effort sur la rénovation du parc existant ? Si l’équation semble simple, la solution apparaît bien plus complexe.
Deux priorités indissociables
D’un côté, la rénovation du parc immobilier existant s’impose comme une priorité : elle tend à limiter l’artificialisation des sols, à valoriser le patrimoine bâti et à répondre à des exigences environnementales croissantes. Bien que l’État soutienne activement la rénovation énergétique à travers des aides financières et des campagnes d’information, dans la pratique, les interventions peinent à financer des rénovations globales et ambitieuses, tant la facture est lourde. Un obstacle qui freine leur adoption à grande échelle. De l’autre, le bâtiment et la construction – qui représentent environ 23 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, selon l'Ademe – sont désormais soumis à l’exigence de réduction de l’empreinte carbone du pays. « S'il est certain qu'une part faible, mais croissante du chiffre d'affaires des entreprises du bâtiment provient aujourd'hui de la rénovation, la construction neuve reste le moteur majeur de leur activité, reconnaît Jean-Claude Driant, professeur à l’École d’urbanisme de Paris*. Plutôt que de parler de préférence pour l'une ou pour l'autre, il faut sans doute se donner pour objectif conjoint de construire beaucoup de logements neufs et de rénover massivement le parc existant. » Or à ce titre, l’année 2024 a été révélatrice : le nombre de logements rénovés a chuté de 35 %, soulignant les tensions qui pèsent sur ce marché. De nombreux acteurs du secteur témoignent de cette interdépendance. « Nous sommes tributaires du contexte général, dès que le marché du logement ne va pas bien », reconnaît Thomas Lorenzelli, directeur commercial pour l’entreprise R’Confort. Spécialisée dans des travaux de rénovation énergétique avec l’installation de systèmes de chauffage moins énergivore, la PME enregistre une baisse de 20 % de l’activité depuis le début de l’année.
Nouvelle ère
De fait, sans opposer une action par rapport à l’autre, il s'agit avant tout de promouvoir des rénovations véritablement efficaces, de repenser les logiques d'aménagement des territoires tout en proposant des solutions diversifiées ancrées dans les réalités locales, sans omettre la nécessité de construire du neuf en réponse aux besoins des ménages et de l’évolution sociétale. Le secteur explore aujourd’hui différentes pistes avec une volonté claire : chercher des synergies et des leviers d’action, mais qui supposent néanmoins une progression et une adaptation en profondeur des pratiques. Comme le souligne Christian Gardoni, directeur général du promoteur immobilier Safilaf : « Nous avons pleinement conscience que nous ne retrouverons pas les niveaux d’activité que nous avions connus il y a trois ans. Il est clair que nous touchons à la fin d’un cycle. »
*Il intervient dans un échange avec Rémi Rabut, ingénieur, sur le site vie-publique.fr
R. Charbonnier
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