Crise de l’Union européenne : des ambitions originelles à rappeler
Hugues Poissonnier, professeur à Grenoble école de Management et directeur de la recherche de l’Irima. Longtemps présenté comme une menace, le Brexit est désormais une réalité, qui va néanmoins mettre des mois à se concrétiser. Les velléités de sortie de l’Union européenne semblent grandissantes pour de nombreux pays, y compris parmi les fondateurs. Force est de constater les espoirs déçus. Dans de nombreux domaines, l’Europe est perçue comme un problème plutôt que comme une source d’éventuelles solutions. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine économique. La montée récente des inégalités de revenus, de développement des territoires ou entre classes d’âges ne doit pas faire oublier l’ambition politique originelle : construire un espace de paix susceptible de faire école.
Une réalité économique peu brillante…
Bien que la disparité des taux de croissance se soit largement amenuisée (nous évoquions, dans la dernière chronique, la généralisation en Europe de l’économie du triple zéro), les divergences en matière de dynamiques économiques contribuent aujourd’hui à éloigner les pays membres de l’UE plutôt qu’à les rapprocher, comme ce fut pourtant largement le cas par le passé. Jusqu’au milieu des années 2000, le rattrapage des pays du Sud comme l’Italie, l’Espagne ou la Grèce s’est avéré extrêmement positif pour ces derniers, mais aussi pour l’ensemble de leurs partenaires. La crise de 2008 a montré à quel point ces évolutions reposaient en réalité sur la formation de bulles avec, à la clé, un quasi-retour à la case départ pour des pays qui ont perdu dans l’histoire une part importante de leur résilience, conséquence directe d’une plus grande spécialisation des économies au sein de l’UE. Sur les dix dernières années, l’accroissement des inégalités de revenu et de la pauvreté constitue également un phénomène incontestable, dont l’UE n’est sans doute pas la seule responsable, mais qui met à mal les objectifs affichés par cette dernière en 2010 : réduire de 20 millions le nombre de pauvres en 2020 par rapport à 2008. Les personnes vivant sous le seuil de pauvreté (fixé à 60 % du revenu médian national) sont 86,2 millions aujourd’hui, représentant 17,2 % de la population, soit 5 millions de plus qu’en 2006. Au-delà des disparités nationales, la fracture territoriale se mesure également par un écart croissant entre le dynamisme des grandes villes et le reste du territoire. Là non plus, l’UE n’est sans doute pas la cause unique du problème, mais il est clair qu’elle ne le solutionne pas non plus, tout comme elle ne réduit pas le chômage des jeunes et des seniors, en constante augmentation.…mais un réel succès politiqueFace aux résultats économiques plus que contestables, l’UE n’est sans doute pas étrangère à l’apaisement des relations entre anciens ennemis historiques, partageant les mêmes projets, à quelques variantes près. Sur ce point, et c’est sûrement le plus important, parler d’échec serait à coup sûr abusif, et sans doute erroné. L’économie devrait finalement rester secondaire, son rôle tenant déjà une place de choix, dans les mois qui viennent, face aux questions cruciales qui risquent de se poser quant au devenir de l’UE et dont la paix constitue le véritable enjeu.
Commentaires
Ajouter un commentaire