Rossignol sur le podium de la performance et la durabilité

Vous avez repris Rossignol et en êtes devenu le CEO en février 2021. Qu’est-ce qui a été décisif ?

Vincent Wauters : Rappelons d’abord que nous étions en plein Covid. Avec, pour la saison hiver 2021, l’annonce de la fermeture des remontées mécaniques en Allemagne, en Italie, en France... Mais je suis convaincu que les périodes de turbulences fortes appellent de puissants catalyseurs de changement. Ce qui ressortait chez Rossignol, c’est avant tout la vigueur de la marque. Depuis sa création en 1907 par Abel Rossignol et sa première participation aux JO de Chamonix en 1924, l’ancrage historique dans la performance et l’innovation ne s’est jamais démenti. Ensuite, le positionnement du groupe sur des activités générant du bien-être, physique et mental, dans les espaces de montagne, lieux de ressourcement et de développement humain, s’inscrivait doublement dans l’avenir. J’en veux pour preuve ce sondage Viavoice de mai 2025, qui place Rossignol comme la seconde plus « belle marque d’équipements de sport » pour les Français, devant The North Face, Nike, Salomon, Lacoste… 

Quel a été votre plan d’attaque ? 

Nous avons démarré par l’élaboration d’une feuille de route, appelée Ascension 2026. Avec une vision : renforcer Rossignol comme leader mondial du ski, et recentrer les activités autour des sports de montagne, en initiant des diversifications autour de cet univers. D’où, le lancement d’une ligne de chaussures de trail, running et randonnée visant la performance et opérant au niveau international. Rossignol, grâce à sa connexion ancienne avec les États-Unis et son intimité avec le Japon, pouvait réaliser cette diversification. Une équipe de trente ingénieurs et experts Footwear, répartis entre l’Isère et surtout au sein de notre centre d’expertise du pied de Montebelluna en Italie, ont élaboré une chaussure de trail de très haut niveau, sans compromis. Près de 150 athlètes internationaux ont testé ce modèle, baptisé Vezor. Il commence à gagner des courses en France, et récemment le 25 août un premier grand succès à Chamonix avec Marine Quintard, lors du rassemblement mondial du Trail ! Une seconde chaussure, la Venosc, a été créée pour l’entraînement et le quotidien. La troisième, lancée dans les magasins en 2026, portera le nom emblématique de Vercors. Elle est conçue pour les courses de très longue distance. L’ambition est forte : à terme, nous prévoyons que ces lignes atteignent jusqu’à 50 % du chiffre d’affaires de la saison printemps/été. 

Un autre fil conducteur dans votre projet stratégique ?

Notre évolution vers un modèle plus durable, et contributif à plus long terme. Dès mon arrivée en 2021, j’ai participé à la Convention des entreprises pour le climat. Cette concomitance entre notre politique de diversification, de rationalisation des marques, et cette réflexion fondatrice a été décisive. Le groupe est désormais systématique dans ses approches : nous réfléchissons aux impacts de chacun de nos produits, et les collaborateurs disposent de bonus pour les solutions contribuant à la réduction de notre empreinte carbone et le recours à des matières recyclées ou recyclables. Les initiatives internes se multiplient, transformant d’anciens skis en lampes ou porte-manteaux, en tabourets, en œuvres d’art… Nous encourageons les modèles économiques de la location et la réparabilité, répandue pour le ski, et l’élargissons aux vêtements. Le groupe promeut les circuits courts, en investissant par exemple dans une forêt servant à la fabrication de skis alpins et nordiques en toute proximité de notre site espagnol d’Artès. Pour nos ressources énergétiques, nous faisons appel aux ENR, et 25 % de notre consommation totale est produite par nos panneaux solaires. Nous avons élaboré un ski et investi dans une machine qui permet de réutiliser 77 % de ses composants, contre 7 % auparavant… Nos résultats sont réels, tangibles. Ils doivent nous permettre de réduire notre empreinte carbone de 30 % d’ici à 2030. 

Et sur l’aspect économique ?

Le groupe a connu un taux de croissance élevé entre 2021 et 2023, pour répondre à la demande mondiale en sortie de Covid. Nous repartons en 2025 sur une base stabilisée à 342 M€ de chiffre d’affaires, en augmentant l’activité issue de nos diversifications (vêtements et chaussures) et surtout en renforçant nos positions sur les marchés : en ski, Rossignol détient 18 % des parts de marché mondiales avec une forte croissance aux USA et en Chine, et 35 % en France. Et pour faire vivre à la fois l’amour de la marque, son ADN d’innovation et de performance, nous lançons un nouveau ski, Hero, dès janvier prochain, à l’occasion des JO de Milano Cortina, accompagné d’une ligne complète de vêtements et d’équipements. De façon globale, Rossignol recrute des talents pour être pertinent sur toutes ses géographies et ses produits. 

Quels seront vos prochains défis ? 

Les entreprises subissent beaucoup de perturbations économiques, géopolitiques, climatiques, auxquelles s’ajoute la politique tarifaire imposée par les États-Unis. Cela nous contraint à rester encore plus vigilants sur les prix, et nous oblige en termes de sobriété. Grâce à notre ancrage en Europe de l’Ouest, le groupe n’est plus dépendant d’évolutions de prix pouvant survenir sur le continent asiatique. Nos transformations permettent de proposer un narratif porteur d’avenir, à la fois à nos équipes et à nos clients. Et lors des JO de Milano Cortina en 2026, et de 2030 en France, nous aurons un record difficile à battre, celui des 32 médailles remportées à Pékin en 2022…

E. Ballery