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Experts — Le 28 mai 2025

Olivier Danès, Banque de France de l’Isère : « Il nous faut revenir à une trajectoire maîtrisée des finances publiques »

Comment les entreprises traversent-elles la période chahutée du premier semestre 2025 ? Et quelles sont leurs anticipations pour la suite ? Olivier Danès, directeur départemental de la Banque de France de l’Isère, livre, au travers des enquêtes réalisées auprès des dirigeants au niveau local et national, un diagnostic sur leur état d’esprit, et la situation de l’économie française.

Olivier Danès, directeur départemental de la Banque de France de l’Isère
Olivier Danès, directeur départemental de la Banque de France de l’Isère © F. Ardito

Que ressort-il des dernières études menées par la Banque de France ?

Les résultats des enquêtes réalisées en avril sont très largement comparables à ceux de ce début d’année. Ils sont empreints d’incertitude et se traduisent chez les dirigeants par un attentisme marqué. Deux termes qui caractérisaient déjà la fin de l’année 2024, et même, très précisément, depuis la dissolution de juin 2024. C’est à ce moment-là qu’une césure a été observée dans l’opinion des dirigeants. Toutes les incertitudes qui sont venues ensuite – contexte politique français, situation géopolitique, élections et annonces américaines… – se sont agrégées et ont repoussé l’espoir d’un rebond. 

Comment ces opinions se répercutent-elles sur les décisions d’investissement ou d’emploi ? 

En premier lieu, les recrutements ont été mis sur pause. Mais l’emploi ne s’est pas effondré. C’est une donnée intéressante car la variable de l’emploi est depuis plusieurs années beaucoup moins utilisée que lors des crises précédentes, notamment celle de 2008-2009. La stabilité est même parfaite, en nombre d’emplois dans le département de l’Isère, entre le 31 décembre 2024 et le 31 décembre 2023. La tendance est certes baissière depuis (–0,2 %), mais dans des proportions qui restent faibles. Deux facteurs pourraient expliquer ceci : d’une part, des difficultés telles de recrutement que les dirigeants réfléchissent à deux fois avant de supprimer des postes, et d’autre part, un niveau d’activité jugé suffisant pour maintenir leurs effectifs. Concernant l’investissement, de nombreux dirigeants ont des projets prêts à être engagés mais hésitent à donner le « go » faute de visibilité, avec le risque de ne pas avoir le retour sur investissement escompté. Les investissements sont donc orientés à la baisse en 2025, à –0,5 % en France, après déjà un recul de –1,5 % en 2024. 

Comment évolue l’endettement des entreprises et des ménages, et en particulier les prêts immobiliers ?

La bonne nouvelle s’enregistre sur ce sujet : la Banque centrale européenne, pour la 7e fois consécutive, a baissé ses taux directeurs, passés de 4 % à 2,25 % entre mai 2023 et mai 2025. C’est le signe d’une maîtrise de l’inflation sur le continent européen. Et de fait, après une chute très marquée et l’atteinte d’un point bas en mars 2024 (6,4 Md€ en France, contre 12,2 Md€ en mars 2023), le crédit à l’habitat se redresse à presque 11 Md€ en 2025. Mais sans reprise de la construction neuve. Les projets concernent donc avant tout l’acquisition de logement ancien ou la rénovation. Du côté des orientations de crédit pour investissement dans les entreprises, l’orientation est baissière pour les PME en Isère (—2,1 % en février 2025 par rapport à février 2024). Par contre, dans les grandes entreprises, l’évolution est plus favorable : +1,3 % en Auvergne-Rhône-Alpes, + 2 % en France, et +10 % en Isère. Cette remontée notable tend à signifier que les projets, à la faveur de la baisse des taux, ont pu trouver leur financement. Encore convient-il de distinguer les investissements de capacité (extension de capacités de production), des investissements d’amélioration. Or les premiers sont nettement plus rares par rapport à 2022 et 2023. Là encore, depuis la dissolution de juin 2024, l’optimisme des dirigeants est beaucoup plus mesuré, et ne s’est pas trouvé amélioré par des éléments extérieurs, bien au contraire ! L’espoir d’un rebond, attendu pour fin 2025, est retardé à 2026, et a porté la Banque de France à revoir à la baisse sa prévision de croissance, à 0,7 % en 2025. Ce qui est très modeste. Nous voyons bien que la reprise tarde… 

Sur quels éléments porter notre attention ? 

En premier lieu, la situation aux États-Unis, qui présente un tournant quasi unique. Et puis la crise des finances publiques en France. La dette publique représente 113 % du PIB en 2024 et continue de croître. De plus l’incertitude budgétaire renchérit le coût de la dette publique, qui ne bénéficie pas de la baisse actuelle des taux d’intérêt, contrairement aux ménages et aux entreprises. Résultat, la charge annuelle d’intérêts sur la dette publique explose : elle est passée de 29 Md€ en 2020 à 58 Md€ en 2024, plus que le budget de la défense. Elle pourrait dépasser 100 Md€ en 2029, dépassant le budget de l’Éducation nationale. C’est extrêmement préoccupant. C’est extrêmement préoccupant. Rappelons que le dernier budget voté à l’équilibre en France était celui de 1973, et que les pays voisins, qui subissent les mêmes difficultés que nous, ne connaissent pas une telle orientation. La France dépense 9 points de PIB de plus que la moyenne des pays de la zone euro, soit un « écart d’efficacité » très important à modèle social comparable. Redresser la trajectoire des finances publiques est impératif pour préserver notre souveraineté et ne pas dépendre excessivement des agences de notation et des marchés financiers. Ce contexte a conduit le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, à appeler à « l’urgence d’une mobilisation générale » passant, outre la reconquête de notre souveraineté budgétaire, par une augmentation de la productivité (« collectivement, travailler plus et travailler mieux ») et une meilleure valorisation des atouts de l’Eu­rope – un marché unique puissant et une épargne abondante – en s’attaquant résolument aux obstacles internes qui freinent la croissance européenne. La France et l’Europe sont à un moment charnière de leur histoire. Les raisons d’espérer existent, mais la mise en œuvre sera délicate. Le sens de l’intérêt général doit prévaloir.

E. Ballery

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