Sens, vision de long terme et collaboration : voilà ce à quoi doit nous inviter la permacrise

Consacré, au point d’avoir été considéré comme l’un des mots de l’année 2022 par le dictionnaire Collins, le terme de « permacrise1 » semble s’appliquer chaque jour un peu mieux aux situations que nous vivons. Par rapport à celui de « polycrise », il rend davantage compte des caractéristiques de permanence, de complexité et du caractère systémique des crises imbriquées les unes dans les autres.
Face aux évolutions d’un environnement difficile à décrypter et à prévoir – qui utilise encore avec pertinence l’analyse Pestel ? –, les velléités d’abandon de ce qui fonde la stratégie, la vision à long terme, apparaissent grandissantes pour beaucoup de dirigeants. Privilégier la tactique, l’opportunisme et les résultats à court terme peut sembler naturel quand les prévisions deviennent à la fois plus compliquées et risquées. C’est pourtant une autre voie qu’il est important de proposer.
Apprendre à composer avec la permacrise
Point n’est besoin ici de dresser l’inventaire des multiples chocs rencontrés ces dernières années, ni de leurs effets sur les entreprises, en termes de renforcement des tensions les plus diverses2 . Il va donc falloir apprendre à vivre avec cette permacrise. Apprendre peut-être même à voir dans cette dernière une source d’opportunités. Il n’est, dans ce contexte, pas étonnant que vienne d’être réédité l’ouvrage L’obstacle est le chemin, de Ryan Holiday (2024)3 dont le titre traduit le message principal, dix ans après sa première parution. Il ne s’agit pas, bien sûr, d’accepter toutes les caractéristiques de la permacrise, notamment ses origines, contre lesquelles il importe, quand c’est possible, de mobiliser nos énergies. Il est essentiel cependant de produire nos efforts aux bons endroits, en accueillant ce que l’on ne peut changer et qui nous échappe, tout en faisant preuve de courage pour changer ce qui dépend de nous, comme le suggérait très justement Marc Aurèle4 .
Le courage du pari sur le long terme et la collaboration
Face à la permacrise, toutes les solutions ne se valent pas. Plus encore que les crises précédentes, la permacrise requiert, au niveau macro comme pour chacune de nos organisations, la définition et la mise en œuvre d’une vision à long terme. Cibler avec pertinence et responsabilité sa mission, sa raison d’être, devenir une entreprise régénérative ou s’inscrire dans l’économie à impact positif net, en faisant de la collaboration une modalité relationnelle par défaut, me semblent être à la fois les meilleurs atouts pour survivre à court terme, mais également pour assurer la pérennité sur le long terme et une contribution souhaitable à la société. Voilà sans doute le véritable courage auquel, en relisant Marc Aurèle, il convient d’inviter les décideurs et tout citoyen.
1Voir le récent ouvrage de G. Brown, M. El-Erian et M. Spence (2024) : Permacrisis : a plan to fix a fractured world, dans lequel les auteurs s’attachent, au-delà des constats, à proposer des solutions.
2Je citerais simplement une interview récente très instructive de Pierre Pelouzet, médiateur des entreprises, publiée sur le média Républik HA : « Depuis quatre ans, nous connaissons chaque année au moins un nouveau choc qui vient créer de la tension dans l’économie et donc de la tension entre les entreprises. »
3Éditions Alisio
4L’empereur romain et philosophe stoïcien Marc Aurèle se voit attribué la formule suivante, parfois qualifiée de « Prière de la sérénité » : « Puissé-je avoir la sérénité d’accepter ce que je ne peux changer, le courage de changer ce que je peux et la sagesse de faire la différence entre les deux. »
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