Lynred investit près de 100 M€ dans son extension
Lynred, joint-venture détenue à parts égales entre Safran et Thalès, change de dimension. Le leader mondial du développement et de la production des technologies infrarouges prépare la généralisation de ses détecteurs IR pour les applications civiles et militaires. En septembre prochain, c’est ainsi un doublement des capacités de salles blanches qui sera inauguré à Veurey-Voroize, pour un investissement de près de 100 M€. Retour sur cette trajectoire ambitieuse avec Hervé Bouaziz, président de Lynred.

En quoi l’activité de Lynred est-elle stratégique ?
Lynred a été créée en 1986 par Safran et Thalès, pour fournir des technologies critiques et souveraines aux grands ensembliers européens. À ce jour, nous sommes le premier fabricant européen de détecteurs infrarouges. Les marchés du spatial et de la défense représentent entre 35 et 40 % de notre activité. Mais plus largement, en tant qu’expert de ces technologies et fournisseur de détecteurs IR équipant des caméras thermiques, nous représentons un acteur majeur de la filière photonique européenne, essentielle en termes de chiffre d’affaires et d’emploi. La filière mobilise 4 000 entreprises en Europe, actives dans les domaines de la sécurité et de la surveillance des sites critiques, de la thermographie, qui aide par exemple les pompiers à détecter les foyers et maîtriser les incendies, ou encore de la vision industrielle, des transports, des loisirs… Et demain, de l’automobile, car les caméras thermiques s’imposent comme la solution la plus performante pour identifier des obstacles dans toutes les conditions lumineuses ou météorologiques. Une nouvelle réglementation aux États-Unis vient de rendre obligatoire dans tout véhicule neuf, à partir de 2029, la fonction de freinage automatique par faible luminosité. Elle gagnera à n’en pas douter les autres continents. Il faut donc se préparer à une forte croissance des technologies infrarouges. C’est à cet objectif que répond l’investissement de près de 100 M€, réalisé en autofinancement, sur le site de Veurey-Voroize. Il prévoit le doublement des capacités de développement, de production, et la modernisation de nos équipements industriels. Nous serons ainsi en état de répondre en volume prix et performance, aux attentes des marchés mondiaux.
Pour autant, l’activité de Lynred a reculé d’environ 10 % en 2024. Une conséquence des événements géopolitiques ?
Les exportations de technologies comme les nôtres sont soumises à licence. Avec la guerre en Ukraine notamment, certains marchés comme la Russie, placés sous sanction internationale, sont interdits. L’effectivité de nos actions de redéploiement commercial n’est pas immédiate, car nous commercialisons aux clients des détecteurs, qui sont intégrés seulement dans un deuxième temps à des caméras ou des systèmes photoniques. Donc évidemment, les évolutions du contexte géopolitique nécessitent de repenser les marchés accessibles. Mais un autre effet de la guerre en Ukraine est l’irruption massive des drones de petite ou moyenne taille. Certains voient très loin sur plusieurs dizaines de kilomètres pour enregistrer des mouvements d’ensemble, d’autres sont plus tactiques et légers, équipés de bolomètres très sophistiqués pour détecter avec une grande précision ce qui se passe sur une zone. Le recours à ces drones de surveillance tend à se généraliser dans les armées des pays de l’Otan. D’autres épisodes illustrent nos fluctuations d’activité : en 2020, Lynred avait pendant la pandémie réalisé une activité record pour fournir des détecteurs s’intégrant dans les caméras destinées à mesurer la température de la population. Après cette vague d’équipement, le marché est moins dynamique. Mais un autre secteur est appelé à un fort développement, celui de l’environnement, pour quantifier et analyser les émissions de gaz à effet de serre chez les acteurs qui les mesurent. Ce domaine, incontournable pour répondre aux exigences réglementaires et évalué à seulement 0,4 Md$ en 2023, progresse de 7,5 % par an en moyenne.
Des droits de douane réévalués, en direction des États-Unis, seraient-ils de nature à faire évoluer vos positions sur ce marché ?
Bien sûr, ils auraient un impact qui nécessiterait un réajustement de notre part. Nous serions alors désavantagés par rapport à nos concurrents américains, mais sans doute moins que les acteurs chinois. L’effet des mesures américaines peut être atténué par la présence aux États-Unis de notre filiale, Lynred USA. Mais ce qui nous distingue sur les marchés internationaux, outre nos technologies de pointe, ce sont aussi les services à valeur ajoutée que nous apportons aux systémiers en amont de l’intégration des détecteurs. Cet accompagnement dans le cycle de vie produit et le maintien des conditions opérationnelles, parfois sur des durées très longues (5 à 10 ans), est l’un des services les plus appréciés par nos clients. De même, notre capacité à rester indépendants, par rapport à des concurrents qui montent dans la chaîne de valeur en fournissant des caméras thermiques entières, est un plus pour les fabricants de caméras. En octobre dernier, l’acquisition de NIT, entreprise française spécialiste en SWIR (Short Wave Infrared), permet de proposer aux clients internationaux des détecteurs SWIR grand format dotés de fonctionnalités avancées pour des applications où l’IA, le deep learning et l’imagerie multi spectrale, tirent la croissance du marché. Enfin, nous venons de lancer une solution logicielle pour faciliter le traitement d’images, et ainsi simplifier l’intégration de nos détecteurs infrarouges haute performance, chez nos clients. Sur tout le spectre de l’infrarouge et toutes les gammes de détecteurs IR, nous apportons des solutions d’avenir.
E. Ballery
Infos clés
Leader mondial en développement de détecteurs infrarouges
Marchés visés : aérospatial, défense, surveillance et sûreté, vision industrielle et applications grand public
Siège : Palaiseau
Développement et production : Veurey-Voroize
Effectif : près de 1 000 employés
CA 2023 : 219,2 M€
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