La fibre résiliente d’Allimand

Il faut du talent et beaucoup de ténacité à une PMI pour résister à de tels courants contraires en si peu de temps. « L’entreprise avait remporté en 2020-2021 de très importants contrats en valeur, occasionnant des flux susceptibles d’impacter sa santé financière, rappelle Patrick Gamet, directeur général d’Allimand. Ces contrats avaient été pris de surcroît avec une marge très faible et parfois même négative ». Dans la foulée, la guerre en Ukraine allait retarder de six mois la conclusion d’une commande substantielle avec la Russie. « Et d’une manière générale, note encore le dirigeant, nos processus étaient à revoir ».

C’est alors qu’Arcole Industries entre en scène. Constatant le très fort potentiel d’Allimand, le spécialiste de l’accompagnement de PME et ETI confrontées à des défis de croissance crée un électrochoc financier. Le fonds investit 12,5 M€ au printemps 2023, « pour épurer le reliquat de 2,5 M€ de dettes après l’écrasement des 80 %, et pour relancer la machine, à hauteur de 10 M€ ». CIC Ouest, partenaire d’Arcole, octroie aussi une ligne de crédit de court terme de 3,3 M€, ainsi que des lignes de garantie bancaire pour répondre aux besoins des contrats et rassurer les clients. 

Une stratégie gagnante 

Patrick Gamet résume en cinq points la stratégie de redéploiement d’Allimand : la maîtrise des processus financiers (devis, calcul des marges, plan de trésorerie…), une redynamisation commerciale, notamment en direction de l’Inde, de l’Indonésie, de la Chine et de l’Asie en général, une reprise des recrutements (plus de 50 personnes embauchées depuis la reprise, et dans tous les services), une révision complète du pilotage opérationnel, et enfin d’importants efforts de communication en interne, pour un dialogue transparent et régulier avec les équipes. Des efforts payants : de moins de 20 M€ de chiffre d’affaires en 2023, l’activité s’est hissée à plus de 30 M€ l’an passé, renouant avec les bénéfices. « Pour cette année 2025, nous visions plus de 40 M€, mais l’instabilité mondiale actuelle devrait limiter notre croissance à un peu plus de 36 M€, peut-être 38 M€ », tempère le directeur général d’Allimand. Ce qui n’empêche pas la société de maintenir ses objectifs à moyen terme : 55 à 60 M€ et encore 30 personnes à embaucher d’ici deux ans. 

L’innovation, pilier de l’entreprise

Deux machines complètes étaient en cours de montage dans les locaux d’Allimand fin juin 2025. L’entreprise compte aussi de multiples projets de reconstruction de certaines parties de machines. Car une part croissante de son activité repose sur les services. Outre l’Asie, l’entreprise mise également sur le marché américain, où elle possède une filiale, ainsi que sur sa capacité à innover. Plus de 5 % de son chiffre d’affaires est dédié à la R&D. Notamment via le développement de sa machine pilote aux États-Unis, qui permet de simuler de nombreux procédés de fabrication novateurs à partir de n’importe quelle fibre. « Sur ces dix dernières années, plus de 20 % de notre chiffre d’affaires est directement lié à nos brevets », évalue Patrick Gamet. Un atout pour consolider la place d’Allimand parmi les cinq leaders mondiaux (tous européens) de la construction de machines pour la production de papiers. 

R. Gonzalez