Laurent Hérault : « Mettre la physique au service du vivant »
À la croisée du CEA, du CHU Grenoble Alpes et de l’Université Grenoble Alpes, Clinatec invente une médecine de rupture, où la physique devient un outil thérapeutique. Son fonds de dotation, dirigé par Laurent Hérault, accélère cette recherche unique au monde en reliant chercheurs, médecins et mécènes.

Clinatec existe depuis plus de 15 ans. Quelle est sa mission et celle de son fonds de dotation ?
Laurent Hérault : Clinatec est un centre de recherche biomédicale qui explore comment les sciences physiques, la technologie et l’intelligence artificielle peuvent ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques pour traiter des maladies graves, principalement cérébrales, et des handicaps lourds. Notre approche est non médicamenteuse : nous utilisons par exemple la lumière ou l’électricité comme leviers thérapeutiques.
Créé en 2014, le fonds apporte à Clinatec l’agilité financière et la capacité d’action indispensables pour étendre rapidement le champ de ses recherches et multiplier les collaborations, notamment avec les cliniciens. Il est entièrement financé par des dons privés, issus d’une quarantaine de mécènes – pour la plupart des groupes de protection sociale nationaux. Grâce à eux, nous pouvons recruter des chercheurs, lancer de nouveaux projets et soutenir nos partenaires du CEA, du CHU Grenoble Alpes et de l’Université Grenoble Alpes. Depuis 2019, le fonds est aussi devenu un opérateur de recherche à part entière, avec ses propres équipes scientifiques, très internationales.
Quels sont les grands axes de recherche que vous développez aujourd’hui ?
LH : Les travaux du Fonds Clinatec s’organisent autour de trois volets : prévention, diagnostic précoce et traitement. L’un de nos axes majeurs est la photobiomodulation, qui utilise la lumière proche infrarouge pour stimuler les cellules et renforcer leur résistance. Cette lumière agit jusqu’à la mitochondrie, la “centrale énergétique” de la cellule, et aide à ralentir la progression de maladies comme Alzheimer ou Parkinson.
Nous avons ainsi conçu un casque de neuromodulation capable d’amener la lumière dans le cerveau sans chirurgie. Un premier essai clinique, baptisé Covéa Neurotec/Tiroc, a confirmé que cette lumière atteignait bien le cortex. Un autre essai, mené à Strasbourg, portera sur la maladie à corps de Lewy. Nous travaillons aussi sur les traumatismes crâniens, en lien avec les CHU de Grenoble et de Lyon, et sur les maladies cardiovasculaires, avec le développement d’un gilet diffusant de la lumière dans le thorax pour aider les patients à récupérer après un infarctus.
Certaines recherches visent à mieux comprendre le rôle de la lumière elle-même.
LH : Oui, nous menons un programme sur la posologie de la lumière, en partenariat avec l’Institut des neurosciences de Grenoble, le GIN et le CHU de Tours. L’objectif est de comprendre comment la lumière agit sur les neurones, cellule par cellule, et de déterminer la dose optimale.
Avec nos partenaires du CEA, nous explorons également la prévention de la maladie de Parkinson à travers le microbiote intestinal, qui pourrait jouer un rôle clé dans son déclenchement. L’idée est d’évaluer comment une stimulation lumineuse ciblée peut influencer ce microbiote et prévenir la maladie.
Au-delà de vos propres recherches, le fonds soutient aussi celles de ses partenaires. Quelle est votre logique d’action ?
LH : Notre rôle est double, mener nos propres programmes, mais aussi financer ceux du CEA, du CHU Grenoble Alpes ou de l’Université Grenoble Alpes. Par exemple, nous avons soutenu le développement d’un implant cérébral permettant à des patients tétraplégiques de retrouver le mouvement du bras. C’est un progrès majeur pour leur autonomie et leur qualité de vie.
Nous cherchons avant tout à créer les conditions pour que les découvertes scientifiques deviennent rapidement des solutions concrètes pour les patients. Dans les années à venir, notre ambition est d’amplifier notre rôle d’opérateur de recherche, d’élargir encore notre réseau de mécènes et d’explorer d’autres pistes, comme la stimulation électrique non invasive du cerveau. Clinatec, c’est un écosystème où la physique, la médecine et la technologie se conjuguent pour inventer la médecine de demain.
L. Marty
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