Logement : vers une éclaircie, enfin ?
La sortie de crise s’annonce-t-elle pour le logement en 2025 ? Depuis la fin de l’année 2024, quelques signaux laissent entrevoir un arrêt de la baisse d’activité, à la faveur notamment d’une diminution des taux d’emprunt. Suffisants pour rassurer les professionnels ? Ces derniers restent prudents, car l’attentisme des acheteurs demeure, les autorisations de mise en construction sont encore en recul, et les projets de rénovation toujours aussi peu dynamiques. Les incertitudes qui agitent la finance pourraient toutefois renverser la tendance et réallouer les investissements. Le secteur se délivrera-t-il, enfin, de la morosité ?
Le logement peine à sortir de l’hiver, après une année 2024 jugée « catastrophique » par les professionnels isérois du secteur. Pêle-mêle, la Fédération nationale de l’immobilier a recensé 800 000 transactions, quand la cadence moyenne se situait autour de 950 000 ventes en 2021, avec un pic record de 1,25 million de transactions constaté durant la période Covid, une année exceptionnelle à bien des égards. « En France, les transactions immobilières ont chuté de manière significative ces deux dernières années, enregistrant une diminution de 250 000 ventes, ce qui marque la plus forte baisse depuis la Seconde Guerre mondiale », pointe Stéphane Chaissé, président de la Fnaim 38. Autre point négatif : « Les chiffres de la vente dans le neuf ne sont pas bons. Le marché ne cesse de s’effondrer, avec moins de 500 ventes d’appartements sur la Métropole de Grenoble, contre 1 000 habituellement », alerte Vincent Davy, président de la Fédération des promoteurs immobiliers Alpes. Le logement social n’y échappe pas, avec 85 000 logements sociaux « péniblement construits dans l’Hexagone alors qu’il y a cinq ans, nous en avions eu 120 000 », prévient Stéphane Duport-Rosand, président de l’association Absise qui regroupe dix bailleurs sociaux de l’Isère. « Si l’année 2023 était mauvaise avec « une baisse de 20 % des volumes de ventes, 2024 est pire, avec un recul de 13 % », constate Clément Dubreuil, notaire à Grenoble, lors de la présentation fin mars de la 5e édition de l’Observatoire de l’immobilier des notaires de l’Isère. Les volumes de ventes et prix diminuent quasiment partout à Grenoble et dans l’agglomération. En tout et pour tout, 2 228 transactions ont été réalisées dans le neuf et l’ancien, contre 2 570 en 2023 et 3 100 ventes en 2022. Un effondrement qu’il est cependant important de mettre « en perspective avec 2019, année durant laquelle le nombre de ventes était encore plus faible sur Grenoble, avec seulement 2 119 ventes signées », nuance le notaire.
Des investisseurs hésitants
L’exercice 2024 marque également une année noire pour les investisseurs, bien moins nombreux à envisager l’acquisition de biens destinés à la location ou à acheter des biens déjà loués. Plusieurs obstacles sont en cause : des conditions financières plus contraignantes, une hausse de la taxe foncière, l’encadrement des loyers – qui s’applique sur une grande partie du territoire grenoblois – et la réalisation de travaux pour améliorer la performance énergétique des biens. Soit autant de facteurs qui font douter les investisseurs de la rentabilité de leurs acquisitions. « Ces difficultés ont des conséquences sur le marché immobilier. Elles génèrent un stock de logements vacants en augmentation et constituent un frein à l’investissement immobilier », explique Clément Dubreuil. Et le segment de l’entretien-amélioration n’a pas non plus tiré son épingle du jeu. L’activité se stabilise à –0,3 % en volume au quatrième trimestre, tandis que le segment de la rénovation énergétique se replie (–0,5 %), selon les données de l’Observatoire régional de la filière construction en Auvergne-Rhône-Alpes. La FFB prévoit une « modeste » hausse de 0,6 % cette année en raison du coup de rabot du dispositif MaPrimeRénov’, qui a vu son budget réduit à 2,1 Md€ contre 3,3 Md€ en 2024 (budget qui avait lui-même été amputé en cours d’année). Aucune activité n’a donc échappé à un bilan médiocre. L’année 2025 serait encore marquée par une baisse de l’activité construction, toutefois moins forte qu’en 2024 », écrit la direction générale du Trésor dans sa note de conjoncture d’avril. Dans ses estimations de mars, la Fédération française du bâtiment estimait une baisse de l’activité de la construction « plus contenue », limitée à –2,6 % contre –5,6 % escomptés en décembre 2024, et table désormais sur une reprise du neuf seulement en 2026. Dans ce contexte, l’optimisme peine à émerger. Et pourtant, quelques signaux laissent entrevoir une timide reprise de l’activité. Un frémissement annonciateur de jours meilleurs ?
Un début d’accalmie
Car dans le même temps, les taux de crédit à l’habitat ont baissé entre 2024 et mars 2025 pour atteindre 3,30 % pour un crédit sur 20 ans (une légère hausse qui oscille entre 0,10 et 0,50 point a été constatée en avril en raison des turbulences provoquées par la politique de Donald Trump). « Un taux cohérent après des années folles qui bénéficie au marché et donc réenclenche des décisions. Les ménages retrouvent confiance et du pouvoir d’achat », indique Sébastien Ardevol, président du comité local des banques FBP Isère. De plus, avec l’amélioration des conditions de crédit et « les efforts » de relance de la part des banques, la production de crédits immobiliers est passée de 6,9 Md€ en mars 2024 à 11 Md€ à la fin de l’année. « Ce qui profite directement aux primo-accédants qui constituent 53 % des emprunteurs », éclaire le banquier. « Ils contribuent à soutenir le marché des transactions. Néanmoins, les montants empruntés sont plus bas », ajoute Stéphane Chaissé.
Une prudence marquée
En matière de transactions, alors que le marché a atteint son point bas, une reprise observée en décembre dernier laisse aussi entrevoir de légères améliorations. « Avec une augmentation du volume de 5,4 % fin 2024, la reprise reste timide, mais pourrait signaler un début de redémarrage du marché », précise Audrey Hove-Royer, vice-présidente de la Chambre des notaires du Dauphiné. Des indicateurs qui traduisent notamment les effets de l’adoption de la loi de finances 2025 en février, et des mesures qui en découlent, comme l’extension du prêt à taux zéro à l’acquisition de tous les logements neufs. « S’il avait été supprimé, les conséquences auraient été désastreuses », remarque Sébastien Ardevol. Ces facteurs sont-ils dès lors une première étape vers l’apaisement, contribuant à rassurer, au moins partiellement, les acteurs ? Si tous veulent y croire, la majorité d’entre eux restent prudents, conscients des difficultés structurelles du secteur, qui ne pourront inverser totalement la tendance. Par exemple, malgré des prix en recul, les montants des biens mis en vente sont toujours élevés. « Le problème, c’est que la valeur des biens reste encore calée sur les niveaux de 2021-2022 », glisse Stéphane Chaissé. Même constat pour la construction neuve. « Il faudrait construire en plus grande quantité afin de produire à moindre coût », suggère Vincent Davy. Encore faut-il que les autorisations de mises en chantier suivent. Un sujet brûlant, qui cristallise les tensions entre les municipalités et les professionnels de l’immobilier. « Il est urgent que nos élus s’emparent pleinement de cette problématique et délivrent davantage de permis de construire – ce qui est loin d’être le cas actuellement », affirme le promoteur. La Métropole grenobloise – qui compte 240 000 logements – a adopté fin décembre 2024 son 5e programme local de l’habitat pour la période 2025-2030. Ce document de planification prévoit de produire 2 550 logements par an, dont 1 300 logements sociaux, avec une attention croissante portée à la réhabilitation énergétique et à l’adaptation du bâti existant. Lors du précédent PLH (2017 à 2022), la collectivité en avait réalisé en moyenne 2 900 par an.
Des perspectives floues
Un cadre réglementaire poussé, des coûts de construction élevés, des prix de vente en baisse, des autorisations de mises en chantier toujours en recul et la fluctuation des taux d’emprunt grippent encore le marché. Ces difficultés sont accentuées par l’évolution des pratiques et des attentes des acquéreurs. Si la crise sanitaire avait mis en lumière le besoin d’une pièce supplémentaire pour télétravailler ou le désir d’un espace extérieur, les comportements des acheteurs continuent d’évoluer, rendant le marché encore plus complexe à appréhender. Les enjeux environnementaux d’un logement deviennent ainsi indissociables d’un projet d’achat. Les primo-accédants, par exemple, ne se focalisent plus uniquement sur le prix affiché du bien, mais évaluent désormais l’enveloppe globale nécessaire à l’acquisition : travaux à prévoir en cas de mauvais DPE, frais de notaire, charges de copropriété… Autant d’éléments intégrés à leur décision. « Ils les scrutent avec attention, en particulier le diagnostic de performance énergétique qui peut représenter un frein important dans la perspective d’une revente future, un mauvais classement impliquant souvent des travaux coûteux que les acquéreurs anticipent désormais dès la phase de recherche », reconnaît Stéphane Chaissé.
Malgré les éclaircies, le climat reste donc dominé par des incertitudes persistantes, renforcées par les tensions géopolitiques mondiales et l’approche des élections municipales de 2026. Une période traditionnellement peu propice au lancement de nouveaux projets de construction.
R. Charbonnier
Données
Les mises en chantier en Isère ont augmenté de 11 % à la fin du mois de février 2025, sur les 12 derniers mois, soit +6 800 logements. En revanche, les autorisations ont chuté de 25,1 % (–6 200 logements).
332 100 logements ont été autorisés à la construction en France entre février 2024 et janvier 2025, soit 42 900 de moins que lors des douze mois précédents.
90 programmes de logements collectifs ont été commercialisés entre janvier et mars 2025, sur Grenoble Métropole, contre 106 l’an passé à la même période et 119, il y a deux ans.
14,9 % des logements ont un DPE classé F ou G à Grenoble (13,9 % en France).
14 724 ventes sur les 12 derniers mois ont été enregistrées dans le département jusqu'à la fin du mois d'octobre 2024, en baisse de 16 % sur l’année.
43 ans, l’âge moyen d’un acquéreur isérois d’un appartement ancien, 49 ans dans le neuf.
604 470, le nombre de logements sociaux en région AURA au 1er janvier 2024 (+0,9 %).
Sur ce total, 13 960 sont vacants.
4,8 millions de ménages étaient en situation de vulnérabilité énergétique pour leur logement en 2021, soit 17,4 % des ménages, selon une étude de l’Insee rendue publique en avril 2025. Une situation plus fréquente dans les territoires ruraux composés de maisons individuelles, plus grandes et souvent anciennes.
32,2 Md€, le volume d’activités de la promotion immobilière et de ses 2 650 entreprises en France, en 2023.
3,50 %, le taux d’intérêt moyen d’un crédit à l’habitat en avril pour une période de 25 ans (hors frais et assurance).
10,7 Md€, le montant des crédits à l’habitat (hors renégociations) en février 2025. Il s’établissait à 7 Md€ en mars 2024, 9,9 Md€ en janvier 2025.
51,8 %, part des primo-accédants ayant obtenu un crédit pour acquérir une résidence principale (à fin février 2025).
403 155 rénovations de logements ont été engagées en 2024 (–35 % par rapport à 2023).
91 374, le nombre de rénovations énergétiques d’ampleur (+27,59 %).
L’Anah a alloué 3,77 Md€ d’aides pour la rénovation énergétique.
Sources : Cerc AURA, Cecimobs, Fnaim, ministère de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique, Notaires de l’Isère, Insee, FFB, Banque de France, Anah, Insee.
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