« Entreprises, vous devez impérativement vous poser la question de l’IA ! »

Présences : En quoi votre parcours façonne-t-il votre manière d’aborder l’IA et l’innovation à MIAI ?

« J’ai un parcours très ancré dans l’industrie, en France et à l’international. J’ai travaillé dans de petites entreprises, des PME, de grands groupes comme HP, puis j’ai rejoint Minalogic en 2012. Cela m’a appris à identifier les usages concrets, les contraintes réelles et les blocages auxquels les entreprises sont confrontées lorsqu’elles veulent adopter de nouvelles technologies. À MIAI, ce regard opérationnel est essentiel : l’IA n’a de valeur que si elle répond à un besoin clairement formulé. Mon rôle est justement d’aider à faire le lien entre l’excellence scientifique du territoire et les besoins économiques, en rendant l’IA accessible et compréhensible. »

MIAI est devenu un « Cluster IA » en 2024. Que représente ce changement d’échelle ? 

« C’est un véritable saut. Nous bénéficions désormais d’un budget de plus de 200 M€, dont 70 M€ de subventions publiques dans le cadre de la stratégie nationale en IA de France 2030, et nous rassemblons l’UGA, Grenoble INP, mais aussi l’Université Savoie Mont-Blanc et Clermont Auvergne. MIAI devient ainsi un cluster IA de rang mondial, au cœur d’un écosystème où 450 chercheurs en IA, 100 partenaires privés, 30 ingénieurs spécialisés et plus de 2 600 étudiants formés chaque année travaillent ensemble. Les axes restent les mêmes – IA embarquée, générative, interactive, frugale –, mais avec une ambition renforcée : structurer durablement la région sur l’IA de confiance et l’IA soutenable, tout en accélérant la coopération avec les entreprises. » 

Vous avez encouragé la Juridique Week, qui a rencontré un vif succès. Pourquoi cet engagement ?

 « Cette semaine consacrée à l’IA et au droit a attiré magistrats, avocats, universitaires et entreprises bien au-delà des frontières régionales. C’était un événement unique, à la croisée des usages, des enjeux sociétaux et des besoins concrets. Elle a montré combien les questions de gouvernance, de responsabilité et d’éthique sont centrales. Ce succès me confirme qu’il faut renouveler ce format. Je souhaite que nous organisions d’autres “IA Weeks”, dans des domaines comme l’énergie, la santé, l’industrie ou encore l’éducation. Ces événements permettent de mettre Grenoble en visibilité, mais surtout de faire dialoguer des communautés qui n’ont pas l’habitude de travailler ensemble. C’est exactement ce que doit faire un cluster : créer des ponts. » 

Quel message désirez-vous adresser directement aux dirigeants d’entreprises ? 

« Posez-vous la question de l’IA. Vraiment. Aujourd’hui, une entreprise qui ne s’interroge pas sur l’IA risque de prendre un retard considérable. Cela ne signifie pas nécessairement se lancer dans un projet complexe : il s’agit d’abord de comprendre les usages possibles, d’identifier les besoins, de se former, d’acquérir les bons réflexes. À MIAI, nous allons déployer une équipe d’ingénieurs d’application pour accompagner les entreprises dans ce diagnostic, les aider à prototyper ou à trouver les bons interlocuteurs. Beaucoup ne savent pas par où commencer, ou réduisent l’IA à la seule IA générative. Notre rôle est de clarifier, de guider, d’éviter des choix coûteux et d’accélérer le passage à l’action. L’IA n’est pas un sujet réservé aux géants : elle concerne toutes les entreprises, de tous les secteurs, et c’est maintenant que se joue leur compétitivité. » 

Philippe Wieczorek